EUPL 2019: Trois romans ukrainiens et une lauréate, Haska Shyyan
Publié : 04/06/2019 Classé dans : Actualités, EUPL, Femmes écrivains, Interview, Prix, Ukraine | Tags: Shyyan 9 CommentairesJ’inaugure aujourd’hui ma série sur les romans lauréats du Prix de littérature de l’Union européenne (EUPL) avec l’Ukraine, qui faisait pour la première fois cette année partie des pays participant à ce prix décerné par rotation aux pays membres de l’Union européenne.
Parmi les trois romans ukrainiens présélectionnés (За спиною (« Derrière le dos ») de Haska Shyyan, Дім для Дома (« Den for Dom ») de Victoria Amelina et Чормет (« Blackmet ») de Markiyan Kamysh), c’est à Haska Shyyan qu’a été décerné le prix pour l’Ukraine, pour son roman publié cette année par l’éditeur Fabula de Kiev.
Haska Shyyan, auteure, traductrice, photographe et co-propriétaire d’une librairie, est née à Lviv en 1980 mais habite dorénavant à Kiev. Déjà auteure en 2012 d’une traduction littéraire (Lights out in Wonderland, de DBC Pierre), elle publie en 2014 un premier roman, inspiré d’un séjour à l’hôpital et qui lui vaut d’être inclus dans la première sélection pour le Prix du livre de l’année ukrainien de la BBC.
Le jury ukrainien, composé de Oleksandra Koval, Ola Hnatiuk, Ostap Slyvynsky et Iryna Slavinska, était présidé par l’écrivain et président du PEN Ukraine Andreï Kourkov (bien connu en France de par ses nombreux romans traduits aux Editions Liana Levi: Le Pingouin, Le jardinier d’Otchakov…). L’écrivain, poète et professeur de littérature polonaise Ostap Slyvynsky (également natif de Kiev et membre du PEN Ukraine) a répondu à mes questions.
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Qu’est-ce que les trois livres de la présélection nous révèlent de la scène littéraire ukrainienne contemporaine ?
Tous les livres abordent des problèmes importants – et qui ne sont pas encore exprimés suffisamment clairement – de la réalité de l’Ukraine et de l’Europe de l’Est. Leurs auteurs n’ont pas hésité à soulever des sujets difficiles et peu visibles, et c’est pour cette raison qu’ils sont remarquables.
« Дім для Дома » (« Den for Dom »), de Victoria Amelina, explore la réalité compliquée d’une ville d’aujourd’hui en Europe de l’Est, où la population et l’ensemble du milieu culturel portent encore des traces des guerres et des déportations. Elle est remplie des « autres », des « étrangers » et les tentatives pour créer le dialogue entre les différents groupes (quelque fois au sein d’une même famille, dont les membres ont différentes identités et « mémoires historiques ») représentent un premier défi.
Dans « Чормет » (« Blackmet »), Markiyan Kamysh fait le récit de personnes qui vivent à proximité de la frontière de la Zone d’Exclusion de Tchernobyl, et qui gagnent tant bien que mal leur vie en récupérant du métal à l’intérieur et à l’extérieur de la zone. C’est là aussi un côté méconnu de la réalité ukrainienne.
Le roman de Haska Shyyan, « За спиною » (« Derrière le dos »), replace la guerre ukrainienne dans son contexte humain universel, mais l’aborde également du point de vue de l’espace culturel européen.
Qu’est-ce qui vous a finalement poussé à choisir le roman de Haska Shyyan ?
Bien que ce soit le deuxième roman de Haska Shyyan, il est très mûr et adroit. L’auteure a une double perspective, locale et universelle, et a réussi à écrire un vrai roman post-post-moderne à propos de la guerre. C’est une guerre qui se déroule pendant une ère de circulation mondiale de l’information, une ère de quasi-sécurité et de quasi-stabilité. En fait, Shyyan nous fait repenser ces concepts. Son héroïne, dont l’amant part au front, est ukrainienne et européenne en même temps ; elle habite dans une grande ville, est financièrement à l’aise et joue aisément avec les « codes du monde globalisé ». Soudainement, elle se rend compte qu’un autre monde – un monde de violence et de mort, de jeunes veuves et d’hôpitaux militaires, est très proche et que personne ne sait quand la ligne qui divise ces deux mondes doit être franchie. C’est saisissant.
Quel type de visibilité le Prix de Littérature de l’Union européenne donne-t-il aux lauréats (ukrainiens et non-ukrainiens) dans la sphère littéraire ukrainienne ?
Certainement, dans le cas de Haska Shyyan, il a déjà commencé à avoir un impact sur sa visibilité. De même pour Victoria Amelina : après son inclusion dans la présélection du prix, trois maisons d’édition étrangères ont fait une offre pour les droits de traduction. L’Ukraine est un membre relativement nouveau de Europe Créative*, mais nos maisons d’édition prennent part a son programme de traduction, prenant en compte les lauréats du prix, et au moins une maison d’édition a déjà obtenu un financement à cet effet.
* Europe Créative est le programme-cadre de la Commission européenne visant à soutenir les secteurs de la culture et de l’audiovisuel. Il soutient par exemple le Prix de Littérature de l’Union européenne.
Cette série continue demain. Destination : la Hongrie.
nous n’avons plus qu’à patienter en attendant des traductions
j’ai commandé un livre récent intitulé Mémoires des terres de sang de Inara Verzemnieks connaissez vous ?
En effet! Je ne connaissais ni le livre ni l’auteur mais cela a l’air d’être un beau livre. En général j’apprécie les récits dans lesquels sont abordées les questions de mémoire au fil des générations. Je note pour le rajouter au prochain récap des nouvelles publications, merci de me l’avoir signalé!
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