Isaac Bashevis Singer – Le golem

Isaac Bashevis Singer est l’auteur d’une œuvre prolifique et conséquente. Sur Passage à l’Est ! les deux titres que j’ai déjà chroniqués illustrent seulement un pan – ou plutôt un format – de sa production littéraire : la nouvelle. Au tribunal de mon père et Le Spinoza de la rue du marché illustrent aussi l’importance des souvenirs d’enfance de la Varsovie juive des premières décennies du XXe siècle, souvenirs qui servent aussi de matériau pour certains romans, comme Shosha. En dehors du blog, j’ai aussi lu des romans, notamment L’esclave – l’aimerais-je autant maintenant que quand je l’avais lu il y a plus de quinze ans ? Je l’espère. Dans L’esclave, on trouve un I.B. Singer qui puise davantage son inspiration dans l’Histoire, puisque ce roman se déroule dans la deuxième moitié du XVII siècle, après le soulèvement des Cosaques de Khmelnytsky (période dans laquelle il avait déjà situé Satan à Goray, son premier roman publié en 1933/1935).

Avec Le golem (1969 en yiddish, 1981 en anglais), I.B. Singer fait encore un bond vers le passé, ainsi qu’un bond dans l’espace : cette fois, c’est à Prague, sous l’empereur Rodolphe II, qu’il s’installe pour ce petit roman (82 pages dans l’édition Seuil) destiné autant aux « petits » qu’aux « grands » lecteurs.

Rodolphe II, nous dit-il, bien qu’étant « un homme fort érudit, manifestait la plus grande intolérance à l’égard de tous les non-catholiques », et surtout des Juifs. Dans la version de la légende du golem que propose I.B. Singer, il suffit d’un comte désargenté et d’une vieille tradition antisémite accusant les Juifs de meurtres rituels, pour que Reb Eliezer, « homme d’affaires capable et industrieux » se retrouve en danger mortel. De même, par extension, que toute la communauté juive de Prague.

A peu près tout le monde savait que cette accusation ne reposait sur rien. 

Dès la deuxième page, I.B. Singer présente ses personnages de départ : un paragraphe pour chacun d’entre eux. Le ton, très simple, est celui du conte. Plus important que Jan Bratislawski, le comte désargenté mais imbu du prestige de son nom de famille, plus important aussi que Reb Eliezer, le troisième personnage est Rabbi Leib, « célèbre kabbaliste » et « rabbin dans la vieille ville de Prague ». C’est lui qui, suivant les instructions qu’il reçoit d’un mystérieux personnage apparu au milieu de la nuit, va donner vie à ce golem, créature faite d’argile, façonnée à l’image de l’homme avec pour seule mission de sauver les Juifs de Prague du massacre qui les menace.

Le soleil allait se coucher et, à la lumière des derniers rayons qui filtraient par les fentes du toit, Todrus vit le golem étendu sur le sol et qui essayait de se redresser. Une peur terrible s’empara de Todrus. Comme beaucoup d’autres Juifs de Prague, il avait entendu raconter des histoires de golems, mais il n’aurait jamais pu imaginer qu’il assisterait un jour, pratiquement de ses propres yeux, à la création de l’un d’entre eux. 

Mais que faire quand ce golem, ayant mené à bien la tâche qui était la sienne, refuse d’être rendu à son état de glaise originel ? Tout est de la faute de Genendel, la femme de Rabbi Leib, qui s’est rendu compte de l’utilité de ce géant et a obtenu qu’il soit maintenu « en vie » encore quelques jours. Hélas, le golem prend de plus en plus des traits humains ; il veut apprendre, il veut aimer, il veut vivre !

– Golem pas vouloir être golem, cria le golem d’une voix désespérée.

Dans ce conte fantastique, les personnages, et même le contexte, sont tout juste esquissés. Que va-t-il advenir de Reb Eliezer, pourtant condamné à la torture par un tribunal chrétien ? Comment le golem a-t-il su ce qu’il fallait faire pour déjouer les plans du mauvais Bratislawski ? Singer s’en fiche, il ne nous le dira pas ! Ce qui l’intéresse plutôt, c’est de nous parler de ces gardes de l’Empereur, et des enfants de Prague, qui s’éparpillent de frayeur lorsqu’ils voient pour la première fois cet immense golem ; c’est, aussi, d’inventer Rodolphe II demandant à rencontrer Rabbi Leib et son golem ; et c’est, surtout, d’imaginer son golem qui, sous ses dehors effrayants, est si gentil et maladroit, et si désireux de vivre une vie à laquelle il n’a pas droit. Mais qui, d’un dieu, de l’empereur, du Rabbi, ou du golem, a le droit de décider ce qu’il adviendra de cette « créature artificielle, temporaire » et supposément dénuée d’âme ?

J’ai lu Le golem parce qu’Isaac Bashevis Singer a reçu le prix Nobel de littérature (en 1978). Nathalie a aussi lu Singer aujourd’hui – deux titres plutôt qu’un ! – elle en parle chez elle, c’est-à-dire Chez Mark et Marcel.

Isaac Bashevis Singer, Le golem (The Golem, 1982). Seuil, 1997. Traduit de l’anglais par Marie-Pierre Bay.


9 commentaires on “Isaac Bashevis Singer – Le golem”

  1. Nathalie dit :

    J’ai aussi lu Le Golem il y a quelques années. Apparemment j’avais bien aimé le côté conte plein d’humanité. Je note d’aller voir ce titre, L’Esclave.

  2. keisha41 dit :

    Oui, j’ai vu chez Nathalie; Bin envie de l ire ou relire Singer!

  3. flyingelectra dit :

    je le note ! je ne le trouve pas facilement en librairie hélas
    je me souviens bien de l’histoire du Golem, découverte en visitant Prague et j’ai lu un roman avec le Golem (je cherche le titre)

  4. lu il y a très très longtemps, il faudrait que je le relise. Je viens de terminer La Famille Moskat qui est un pavé de près de 700 pages. un chef d’oeuvre!

  5. […] Le golem – une gentille et vivante réécriture sous forme de conte de l’histoire d’une créature […]


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