Wiesław Myśliwski – L’Horizon
Publié : 27/11/2022 Classé dans : 1990s, Margot Carlier, Pologne, Roman, Service Presse | Tags: Mysliwski 5 CommentairesJe n’ai compris qu’à la mort de l’oncle Władek que je n’avais jamais vraiment quitté cet endroit. Leurs tombes à tous m’indiquaient en fait ma place dans le monde. Peut-être même qu’ici se trouvait le centre de mon horizon, car nulle part ailleurs je n’éprouve cette douleur déchirante qu’avec eux, c’est aussi moi qui meurs un peu, et pas seulement le monde qui m’entoure. Je le ressens de façon si banale, si évidente, que cette douleur devient un émerveillement, comme si je touchais à l’extraordinaire mystère de la beauté.

Publié il y a déjà plus de 25 ans, L’Horizon est un long et magnifique roman sur la vie, sur l’enfance, sur le royaume individuel de la mémoire et sur la possibilité de sa transmission. C’est aussi, de la part de son auteur Wiesław Myśliwski, une formidable leçon d’écriture, épousant les fluctuations de la mémoire et de l’imagination tout en se jouant des contraintes de la chronologie.
Lire la suite »Josef Winkler – Die Verschleppung (L’Ukrainienne)
Publié : 18/11/2022 Classé dans : 1980s, Autriche, En allemand, Lectures communes, Ukraine, URSS 8 CommentairesDirndle
Dirndle. C’est l’un des mots que j’ai appris à la lecture de Die Verschleppung, livre de Josef Winkler traduit en français sous le titre L’Ukrainienne. Il y avait d’autres mots – des mots utiles pour moi, et d’autres moins. Celui-là non seulement est récurrent, mais m’a paru tout à fait représentatif du livre.
Evidemment il suffit de taper le mot Dirndle dans un moteur de recherche (ou de transiter par le sud de l’Allemagne, en tout cas au moment de l’Oktoberfest) pour se retrouver face à une avalanche de Dirndl, de robes plus ou moins typiques, plus ou moins bavaroises. Dans Die Verschleppung, lorsque Njetotschka Wassiljewna Iljaschenko, la narratrice de la majeure partie du texte, emploie le mot Dirndle, ce n’est pas pour parler de robes, mais de filles : des filles, au sens de « fille de » comme au sens plus général de filles d’un certain âge. Parfois, elle utilise d’autres termes – Weibele, Magd, Dirn, Frauen – mais c’est bien Dirndle qui revient le plus souvent, que ce soit pour parler d’elle ou pour parler d’autres.
Die Verschleppung est en effet l’histoire d’une Dirndle, Njetotschka, telle que celle-ci – devenue une femme âgée – la raconte à Josef Winkler : une histoire qui commence, bien avant sa naissance, avec celle de ses parents (surtout de sa mère) et grands-parents, et se termine plus ou moins avec son propre mariage. C’est aussi une histoire marquée par une date, celle de mars 1943, date à laquelle elle est arrêtée, au milieu de la nuit, avec sa sœur Lydia, « à Dóbanka, un petit village de l’Ukraine, à proximité de Tcherkassy » et envoyée en Carinthie autrichienne, avec un convoi d’autres requis et requises du travail obligatoire. C’est là, près de Villach, que la trouve Josef Winkler, une quarantaine d’années plus tard. Celui-ci est alors un jeune écrivain à la recherche de calme pour terminer un manuscrit.



Eugen Ruge – In Zeiten des abnehmenden Lichts (Quand la lumière décline)
Publié : 15/11/2022 Classé dans : 2010s, Allemagne de l'Est, En allemand, Lectures communes 9 Commentaires
J’ai encore les trois petites coupures de la sélection « Books of the Year » d’un Financial Times de novembre 2013, trois papiers roses avec les titres qui m’avaient le plus intéressé à l’époque parmi leur sélection des meilleurs livres de l’année. Il y avait The War that Ended Peace, de Margaret Macmillan, Harvest, de Jim Crace, et In Times of Fading Light, d’Eugen Ruge. Le premier livre est celui d’une grande spécialiste de la Première Guerre mondiale et porte sur la première décennie et demie du XXe siècle ; j’ai lu son Peacemakers/Les artisans de la paix, sur la conférence de paix de 1919, mais pas encore celui-là. Le deuxième titre, je l’ai lu au printemps 2020 et j’ai expliqué peu après pourquoi je l’avais tant aimé. Quant au troisième, il s’agit du titre de la traduction anglaise d’un roman de 2011, disponible également en français sous le titre Quand la lumière décline.
Le petit descriptif du Financial Times utilise exactement 50 mots pour parler de ce « premier roman » primé et qui retrace un demi-siècle d’histoire de l’Allemagne de l’Est à travers l’histoire de l’apparatchik Wilhelm Powileit : « cette saga familiale retranscrit, tout en détails, la réalité de la vie quotidienne en RDA », y est-il entre autres écrit.
Lire la suite »Maryla Szymiczkowa – Madame Mohr a disparu
Publié : 10/11/2022 Classé dans : 2010s, Pologne, Roman historique | Tags: Szymiczkowa 17 CommentairesUne chose était évidente à ses yeux : en aucun cas Ignacy ne devait deviner que sa femme, au lieu de se consacrer aux occupations propres à son sexe, à sa position et aux règles d’un mariage honnête, folâtrait dans des bâtiments d’utilité publique à la recherche d’un étrangleur-assassin.
J’étais en vacances dans le sud de la Hongrie quand j’ai lu ce livre pour la première fois. C’était vers la mi-février, il faisait beau mais froid et, après une journée passée dehors, c’était assez agréable de passer la soirée avec un livre ou trois, au son du ronronnement soporifique, entrecoupé d’éternuements occasionnels, du vieux convecteur au gaz qui s’efforçait tant bien que mal de dissiper la fraîcheur ambiante. Madame Mohr a disparu, ce sympathique roman polonais, était vraiment une lecture appropriée pour ces soirées tranquilles, les dernières, d’ailleurs, avant le 24 février.



La traduction anglaise était déjà sur mes étagères, acquise par curiosité et sur la base de la confiance presque aveugle que j’ai envers le travail de la traductrice Antonia Lloyd-Jones, et après l’avoir écoutée dans un très réjouissant entretien avec les auteurs du livre au festival Noirwich (repéré grâce à MarinaSofia, merci à elle !). C’est donc cette traduction anglaise (Mrs Mohr goes missing) que j’ai d’abord lue mais, pour cette chronique, j’ai relu le livre dans la traduction française, publiée fin août par Agullo qui m’en ont gentiment fait parvenir un exemplaire.
A propos d’un précédent Agullo, justement, j’avais déjà écrit qu’en tant que lectrice je me situe « dans la catégorie « Agatha Christie », c’est-à-dire quelque part entre novice et débutant sur l’échelle de la violence et du glauque » (cela ne m’avait pas empêché d’apprécier ledit Agullo, qui se situe pourtant à l’autre extrémité de l’échelle). Madame Mohr a disparu se situe en tout cas dans cette même catégorie « Agatha Christie », ou dans ce qu’on peut appeler aujourd’hui le cozy crime. J’imagine cependant que les deux victimes du roman auraient beaucoup à redire au mot « cozy », la première ayant vu sa vieillesse tranquille abrégée par l’absorption d’un poison et la seconde ayant été retrouvée prématurément morte dans son lit quelques jours plus tard.
Lire la suite »Sur les étagères en novembre 2022
Publié : 03/11/2022 Classé dans : Nouvelles publications 10 CommentairesQui cherche trouve… En commençant à préparer cet aperçu des publications en provenance de (ou sur) l’Europe centrale, de l’Est et des Balkans, j’avais l’impression qu’il n’y aurait pas grand-chose à se mettre sous les yeux. Finalement, ce n’est pas si mal du tout, surtout si l’on inclut les deux-trois titres qui s’étaient cachés derrière les étagères lorsque j’ai fait mon dernier article (et le premier rattrapage) (et le deuxième rattrapage) sur les publications d’octobre.
Il y a toujours parmi les nouvelles publications des rééditions de classiques, et c’est avec ceux-là ainsi qu’avec les classiques qui font leur première apparition en français, que je vais commencer. Ensuite, ce sera le tour de textes plus contemporains.










