De l’Estonie à Jérusalem en passant par Paris et l’Afghanistan – Quelques questions à l’écrivain Tiit Aleksejev

Il y a quelques jours, j’ai proposé une chronique de Le pèlerinage : dans ce roman historique, l’écrivain estonien Tiit Aleksejev fait revivre la première croisade (1096-1099) à travers le personnage d’un de ses participants, l’énigmatique Dieter.

Intriguée par ce roman, le premier d’une trilogie, j’ai posé quelques questions à son auteur. Voici ses réponses, traduites de l’anglais. Notre entretien date de la fin du mois d’août, alors que l’armée américaine et ses alliés terminaient leur retraite précipitée d’Afghanistan : c’est une actualité qui a coloré certaines questions et réponses.

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Tiit Aleksejev – Le pèlerinage

Un homme, à la toute fin du XIe siècle, quitte le sud de la France pour Jérusalem, traversant les Balkans puis l’Anatolie que se disputent Croisés, Byzantins et Seldjoukides. 400 plus tard, un autre homme quitte ses terres natales dans l’Empire ottoman et trouve un bref refuge à Rhodes : un refuge qui se transforme en captivité en France puis à Rome.

Deux hommes, deux siècles, deux trajectoires opposées – ce sont les (très) grandes lignes de deux romans parus l’un en 2010, l’autre en 1966, qui ne se sont probablement jamais croisés mais qui parlent tous deux, à leur manière, des rencontres entre « l’Orient » et « l’Occident ».

Le premier roman, Le pèlerinage, est celui de l’écrivain contemporain estonien Tiit Aleksejev. Il débute en 1148, dans le « Monastère Notre-Dame de Boscodon, en Provence », et est narré par Dieter, « jardinier dans un couvent situé à deux jours de marche de Montpellier, sur des terres données à la sainte Eglise par le comte Guillaume de Montmiral. » Dès la première ligne, on apprend de sa bouche qu’il a été « quelqu’un d’autre, naguère, mais [que] cet autre ne veut plus rien dire ».

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EUPL 2019 : Trois romans géorgiens et un lauréat, Beqa Adamashvili

Je termine cette série sur les lauréat.e.s du Prix littéraire de l’Union européenne (EUPL) des pays « de l’Est » comme je l’avais commencée : avec un pays participant pour la première fois cette année à ce prix, la Géorgie. Je m’en réjouis d’autant plus que la littérature de ce pays est peu connue à l’étranger, et je ne peux qu’espérer que la participation à ce prix contribuera à long terme à la faire mieux connaître.

Outre le roman ამ რომანში ყველა კვდება (« Tout le monde meurt dans ce roman ») du lauréat Beqa Adamashvili, les deux autres livres sélectionnés étaient ფსკერის სახარება (« L’Évangile d’en bas ») d’Iva Pezuashvili et le recueil de nouvelles სად ხარ, ლაზარე (« Où es-tu, Lazare ? ») de Luka Bakanidze, tous trois publiés à Tbilisi en 2018.

Né en 1990, Beqa Adamashvili a publié ses premières nouvelles en 2009 sur des plateformes en ligne, et a commencé ainsi à se faire connaitre parmi les jeunes lecteurs. Après sa parution en 2014, son premier roman, « Bestseller », est devenu un vrai bestseller, faisant partie de la sélection pour le prix littéraire SABA du meilleur roman ainsi que pour le Prix Tsinandali pour l’avancement de la culture et des sciences en Géorgie. Diplômé en journalisme et en sciences sociales de l’Université du Caucase, Adamashvili est un bloggeur connu en Géorgie, et travaille également pour l’agence de publicité Leavingstone.

Natalia Lomouri, directrice de la Maison des Ecrivains et présidente du jury pour la Géorgie, a répondu à mes questions. Lire la suite »


EUPL 2019 : Trois romans slovaques et une lauréate, Ivana Dobrakovová

La Slovaquie participe au Prix de Littérature de l’Union européenne (EUPL) depuis ses débuts et, comme la Hongrie, la Lituanie, la Roumanie et la Pologne, c’est donc son quatrième lauréat qui a été annoncé cette année. Comme pour ces quatre pays, et comme pour l’Ukraine qui participait cette année pour la première fois, c’est en fait d’une lauréate qu’il s’agit : Ivana Dobrakovová.

Née en Slovaquie en 1982, établie à Turin, Ivana Dobrakovová a fait des études d’anglais et de français et travaille actuellement comme traductrice du français et de l’italien (elle travaille notamment sur les romans napolitains d’Elena Ferrante). Ses débuts dans la fiction prennent la forme d’un recueil de nouvelles en 2009, « Première mort dans la famille », suivi l’année suivante par un roman, Bellevue, et en 2013 par un nouveau recueil de nouvelles, Toxo. Tous ces livres ont été sélectionnés pour le prix Anasoft Litera, de même que son dernier roman, « Mères et Camionneurs », publié en 2018 et avec lequel elle a obtenu fin mai le Prix de littérature de l’Union européenne.

Elle rejoint ainsi trois autres lauréats slovaques, dont tous les romans primés ont été traduits en français – la participation de Bratislava au titre de ville invitée d’honneur au Salon de Paris en mars ayant certainement contribué à cet heureux résultat. Depuis le mois de mars, il est donc possible de lire le roman de Pavol Rankov (lauréat 2009), C’est arrivé un premier septembre, chez Gaïa Editions ; depuis 2015 aux éditions Le ver à soie, Café Hyène, de Jana Beňová (lauréate 2012), et également depuis mars aux éditions Le ver à soie, Scènes de la vie de M. de Svetlana Žuchová.

Matky a kamionisti, publié à Bratislava en 2018, met en scène cinq femmes dont les vies s’entremêlent, se complètent et se contredisent, entre Turin et Bratislava. A ses côtés, deux autres romans figuraient dans la sélection pour le prix EUPL en Slovaquie : Čierny zošit de Richard Pupala (Bratislava, 2017) et Flešbek, de Mária Modrovich.

Miroslava Vallová, directrice du Centre d’information littéraire slovaque et présidente du jury pour la Slovaquie, a répondu à mes questions. Lire la suite »


EUPL 2019: trois romans polonais et une lauréate, Marta Dzido

Je reprends, après une interruption imprévue, ma série sur les pays « de l’Est » ayant participé cette année au Prix de Littérature de l’Union européenne (EUPL) dont les résultats ont été annoncés le 22 mai. La Pologne faisait partie de ces pays, tout comme l’Ukraine, la Hongrie, la Lituanie et la Roumanie que j’ai déjà présentées, et la Slovaquie et la Géorgie encore à suivre.

Des pays présentés jusqu’ici, la Pologne est celui ayant connu le plus de succès en termes de la traduction en français des livres lauréats du EUPL : Le Magicien, de Magdalena Parys (lauréate 2015) a été bien reçu lors de sa parution aux Editions Agullo en début d’année, et le roman primé en 2012, Pension de famille de Piotr Paziński, est également paru chez Gallimard (en 2016). Jacek Dukaj, premier lauréat pour la Pologne en 2009 avec son roman « Glace », n’a pas encore été traduit en français.

Cette année, c’est à Marta Dzido qu’est allé le prix du jury pour la Pologne. Née en 1981, diplômée de l’Ecole Nationale du Cinéma de Łódź, Marta Dzido était déjà, avant la parution de son dernier roman Frajda l’année dernière, l’auteure de trois romans et d’un ouvrage de non-fiction, « Les Femmes de Solidarité » (un sujet qu’elle avait aussi abordé dans un film de 2014, « Solidarité selon les femmes » sur le rôle des femmes dans la lutte contre le communisme en Pologne).

Avec Frajda, deux autres romans figuraient dans la sélection pour le prix EUPL 2019 dans sa déclinaison polonaise : Lekki bagaż de Anna Cieplak (Cracovie, 2019) et Góra miłości de Jarosław Maślanek (Varsovie, 2018).

Anna Nasiłowska, présidente du jury pour la Pologne, a répondu à mes questions. Lire la suite »


EUPL 2019: Cinq romans roumains et une lauréate, Tatiana Ţîbuleac

Contrairement aux lauréates d’Ukraine, de Hongrie et de Lituanie du Prix de Littérature de l’Union européenne (EUPL) 2019 que j’ai présentées ces derniers jours, la lauréate du prix dans sa déclinaison roumaine peut déjà être découverte en français puisqu’il s’agit de Tatiana Ţîbuleac. Son roman L’été où maman a eu les yeux verts a été traduit par Philippe Loubiere et est paru aux Editions des Syrtes l’année dernière : je l’avais présenté ici.

Grădina de Sticlă (« Jardin de verre ») est le deuxième roman de cette auteure née en République de Moldavie et dorénavant établie à Paris après une carrière dans le journalisme audiovisuel en Roumanie. Rédactrice, aussi, à partir de 1995 pour la rubrique « Histoires vraies » du quotidien Flux, elle débute dans la fiction en 2014 avec une collection de nouvelles « Fables Modernes ».

Son deuxième roman, publié aux Editions Cartier à Chişinău en 2018, était l’un de cinq romans présentés au jury avec Așa să crească iarba pe noi de Augustin Cupșa (Bucarest : Humanitas, 2017), Porci de Tudor Ganea (Iași : Polirom, 2018), Sindromul Stavroghin d’Alina Pavelescu (Bucarest : Humanitas, 2019) et Copilăria lui Kaspar Hauser de Bogdan Alexandru Stănescu (Iași : Polirom, 2017).

Ioana Pârvulescu, présidente du jury pour la Roumanie et elle-même auteure d’un roman lauréat du prix en 2013 (Viaţa încipe vinari, traduit en français au Seuil en 2016 sous le titre La vie commence vendredi), a répondu à mes questions. Lire la suite »


EUPL 2019 : Trois romans lituaniens et une lauréate, Daina Opolskaitė

Je présentais hier et avant-hier les lauréates hongroise et ukrainienne du Prix de littérature de l’Union européenne (EUPL). Comme la Hongrie, la Lituanie participait pour la quatrième fois : après les trois lauréates en 2009 (Laura Sintija Černiauskaitė pour son roman « Respirer dans le marbre »), en 2012 (Giedra Radvilavičiūtė pour son recueil de nouvelles « Ce soir je vais dormir du côté du mur ») et en 2015 (Undinė Radzevičiūtė pour son roman « Poissons et dragons »), c’est à nouveau à une auteure, Daina Opolskaitė, qu’est décerné cette année le prix.

Née en 1979 à Vilkaviškis au sud-ouest de la Lituanie, Daina Opolskaitė a fait des études de philologie et enseigne actuellement dans un lycée de sa ville natale. Auteure d’une trentaine de nouvelles, essais et recensions, Opolskaitė s’est vu décerner le prix de l’Union des Ecrivains de Lituanie en 2000 pour son premier livre (Drožlės), le prix de la Littérature pour Enfants en 2016 (elle est également l’auteur de romans pour adolescents), et son roman Ir vienąkart, Riči a été nommé Livre de l’année en 2017. Son recueil de nouvelles Dienų piramidės a été publié à Vilnius chez Tyto alba en 2019.

Deux autres romans étaient en compétition pour ce prix 2019 en Lituanie : Ši mtmečių melancholija de Mindaugas Jonas Urbonas (Vilnius : Lietuvos rašytojų sąjungos leidykla, 2017) et Stasys Šaltoka : vieneri metai de Gabija Grušaitė (Vilnius : LAPAS, 2017).

La philosophe, musicologue et activiste Daiva Tamošaitytė, présidente du jury lituanien pour le Prix de Littérature de l’Union européenne (auquel prenait également part la traductrice française Marielle Vitureau), a répondu à mes questions. Lire la suite »


EUPL 2019 : Trois romans hongrois et une lauréate, Réka Mán-Várhegyi

Après la présentation hier de la lauréate du Prix de littérature de l’Union européenne (EUPL) pour l’Ukraine, place aujourd’hui à la Hongrie, qui participait pour la quatrième fois à ce prix initié en 2009.

Après Noémi Szécsi en 2009 (pour « Le Communiste Monte-Cristo »), Viktor Horváth en 2012 (pour « Miroir turc ») et Edina Szvoren en 2015 (pour son recueil de nouvelles Nincs, és ne is legyen), c’est à Réka Mán-Várhegyi qu’a été décerné ce prix cette année.

Née en 1979 dans la communauté hongroise près de Târgu Mureş en Roumanie, elle s’est installée en Hongrie après la chute du régime communiste et vit actuellement à Budapest. Travaillant pour une maison d’édition pour enfants depuis plusieurs années, elle publie un premier recueil de textes (« Tristesse dans le quartier Auróra ») en 2013 et reçoit alors le prix JAKkendő de l’association littéraire József Attila Kör auquel s’ajoute l’année dernière un autre prix prestigieux, le Prix Tibor Déry. Elle est également l’auteur de plusieurs livres pour enfants et jeunes adultes. Son roman Mágneshegy (« Colline Magnétique »), publié en 2018 et en partie développé à partir d’une des nouvelles de son recueil de 2013, brosse le portrait de trois jeunes universitaires à Budapest au tournant du millénaire, chacun essayant d’échapper à sa propre réalité.

Les deux autres livres en lice étaient Léleknyavalyák, avagy az öngyilkolás és egyéb elveszejtő szerek természetéről (« Les maladies de l’âme, ou de la nature du suicide et d’autres moyens de destruction ») de Róbert Milbacher, et Luther kutyái (« Les chiens de Luther), de László Szilasi, les trois romans étant parus chez Magvető en 2018.

Endre Szkárosi, président de la Société des Ecrivains Hongrois ainsi que du jury hongrois pour le Prix de Littérature de l’Union européenne (dont faisait également partie la traductrice française Joëlle Dufeuilly), a répondu à mes questions. Lire la suite »


EUPL 2019: Trois romans ukrainiens et une lauréate, Haska Shyyan

J’inaugure aujourd’hui ma série sur les romans lauréats du Prix de littérature de l’Union européenne (EUPL) avec l’Ukraine, qui faisait pour la première fois cette année partie des pays participant à ce prix décerné par rotation aux pays membres de l’Union européenne.

Parmi les trois romans ukrainiens présélectionnés (За спиною (« Derrière le dos ») de Haska Shyyan, Дім для Дома (« Den for Dom ») de Victoria Amelina et Чормет (« Blackmet ») de Markiyan Kamysh), c’est à Haska Shyyan qu’a été décerné le prix pour l’Ukraine, pour son roman publié cette année par l’éditeur Fabula de Kiev.

Haska Shyyan, auteure, traductrice, photographe et co-propriétaire d’une librairie, est née à Lviv en 1980 mais habite dorénavant à Kiev. Déjà auteure en 2012 d’une traduction littéraire (Lights out in Wonderland, de DBC Pierre), elle publie en 2014 un premier roman, inspiré d’un séjour à l’hôpital et qui lui vaut d’être inclus dans la première sélection pour le Prix du livre de l’année ukrainien de la BBC.

Le jury ukrainien, composé de Oleksandra Koval, Ola Hnatiuk, Ostap Slyvynsky et Iryna Slavinska­­, était présidé par l’écrivain et président du PEN Ukraine Andreï Kourkov (bien connu en France de par ses nombreux romans traduits aux Editions Liana Levi: Le Pingouin, Le jardinier d’Otchakov…). L’écrivain, poète et professeur de littérature polonaise Ostap Slyvynsky (également natif de Kiev et membre du PEN Ukraine) a répondu à mes questions. Lire la suite »


Le cru 2019 du Prix de Littérature de l’Union européenne, trois questions par trois questions

J’ai eu l’occasion récemment de vous parler du Prix de Littérature de l’Union européenne, ce prix qui vise à mettre en lumière la création littéraire actuelle des pays membres de l’Union européenne, et à encourager les traductions entre les langues des pays membres.

Je vous avais par exemple listé les différents romans d’Europe centrale et orientale lauréats du prix et traduits en français ; je vous avais présenté Edina Szvoren, lauréate hongroise en 2015 ; et j’étais revenue sur les échanges qu’avaient eu plusieurs lauréat.e.s du prix lors du Festival International du Livre de Budapest l’année dernière.

Les lauréats et lauréates du Prix 2019 ont été annoncés tout récemment (pour la France : Au grand lavoir, de Sophie Daull, dont l’éditeur Philippe Rey donne une présentation plus qu’intrigante), et j’aimerais vous présenter ceux de « l’Est » de l’Union européenne. Mais comment parler de livres et d’auteurs qui n’ont – pratiquement par définition – pas encore été traduits, que ce soit en français ou dans d’autres langues ?

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Je me suis donc tournée vers les présidents et présidentes de chacun des jurys nationaux, pour leur poser les mêmes trois questions sur les romans présélectionnés, sur les romans primés, et sur le prix lui-même.

Leurs réponses sont à découvrir à partir de demain !