Actualité du mercredi : et le prix du livre de l’année va à…

Chaque mercredi, je vous apporte une actualité concernant la littérature d’Europe centrale et orientale.

Cette fois-ci, je vous propose un petit coup d’œil sur les prix littéraires d’un pays d’Europe centrale, la République tchèque. L’occasion m’est fournie par l’annonce, il y a dix jours au Théâtre National de Prague, des lauréats d’un des plus grands prix littéraires tchèques : Magnesia Litera.

magnesia

Un peu d’histoire d’abord : le prix a été fondé en 2002 et récompense « le meilleur livre de l’année précédente » avec aujourd’hui 11 catégories incluant la fiction, la poésie, le journalisme, la littérature pour enfants, la non-fiction, la traduction, un premier roman, le prix des lecteurs, un succès de publication, un blog, et last but not least le « livre de l’année ».

hodiny-0x400-c-defaultLa lauréate du prix Magnesia Litera du livre de l’année est Radka Denemarková pour son roman Hodiny z olova (« Heures de plomb »), roman inspiré – comme sa belle couverture le signale aussi – des voyages de l’auteure en Chine. Au fil de ses 752 pages, le roman fait s’entrecroiser les destins d’hommes et de femmes partis en Chine afin de faire face à différentes situations de crises personnelles.

Radka Denemarková est tout à fait inconnue au bataillon des auteurs traduits en français, et pourtant elle est visiblement une personnalité littéraire de premier plan en République tchèque. Auteure de plusieurs romans, pièces de théâtre, essais et traductions, elle reçoit cette année pour la quatrième fois un prix Magnesia Litera : en 2007 pour son roman Peníze od Hitlera (« L’argent de Hitler ») qui suit l’itinéraire d’une jeune juive allemande tchèque prise dans les remous de la Tchécoslovaquie d’après-guerre ; en 2009 pour son roman documentaire Smrt, nebudeš se báti aneb Příběh Petra Lébla (« Mort, tu ne craindras point, ou l’histoire de Petr Lébl ») sur le directeur de théâtre, acteur et metteur en scène Petr Lébl ; et en 2011 pour sa traduction de La bascule du souffle de Herta Müller.Sobre_El dinero de hitler_def.pdf

Elle est traduite dans de nombreuses langues, à commencer par celles de pays « ex-communistes » : hongrois, polonais, slovène, moldave, bulgare, macédonien, serve, croate… et aussi en allemand, et un peu en anglais, en italien, en espagnol, en suédois, et même en chinois !

Pour les curieux, je me suis amusée à faire la liste des auteur.e.s lauréat.e.s du prix Magnesia Litera du livre de l’année traduits en français :

  • Bianca Bellová (2017) : Nami (Mirobole)
  • Daniela Hrodová (2016) : avec Cité Dolente, Les chrysalides, Théta, Le royaume d’Olsany (Laffont)
  • Michal Ajvaz (2012) : L’autre île (Ed. du Panama), L’autre ville, L’âge d’or (Mirobole)
  • Et aussi, de manière surprenante, le moldave Petru Cimpoeşu (2007) pour son roman Siméon l’ascenseurite (Gingko)

Il est trop tôt pour savoir quel sera l’effet de ce prix sur les ventes du dernier roman de Radka Denemarková (toujours un bon critère pour mesurer l’impact d’un prix), mais les équipes de Magnesia Litera m’ont gentiment indiqué les chiffres des ventes des deux derniers lauréats du « livre de l’année » : celui d’Erik Tabery en 2018 est passé de 18 000 avant l’annonce du prix, à 45 000, et celui de Bianca Bellová de 1500 à 9500. Ils précisent aussi que, dans le marché tchèque, des ventes supérieures à 10 000 font d’un livre un « bestseller ».

rupnikPour en revenir à cette année, notons aussi que dans la catégorie journalisme, le prix revient cette année au politologue français d’origine tchèque Jacques Rupnik, pour Střední Evropa je jako pták s očima vzadu (« L’Europe centrale est comme un oiseau avec les yeux à l’arrière »), recueil de textes écrits en français, anglais et tchèque au cours des vingt dernières années.nemirovska

Evidemment, je me suis intéressée aux traductions primées: cette année, c’est la traductrice de Le livre de la mer ou L’art de pêcher un requin géant à bord d’un canot pneumatique sur une vaste mer au fil de quatre saisons du norvégien Morten A. Stroksnes (aussi en français chez Gallimard et Folio) qui a recu ce prix, mais l’ont précédé les traducteurs et traductrices de Louis-Ferdinand Céline (Guignol’s Band, en 2003) et Irène Némirovsky (Suite française, en 2012), ainsi que Mario Vargas Llosa, Hugo Claus, Orhan Pamuk, Sándor Márai, David Lodge, Péter Eszterhazy, Joanna Bator et – pour en revenir à Radka Denemarková, de Herta Müller.