Quelques nouveaux titres en mai

Quand j’écrivais que ce récapitulatif des nouvelles parutions n’allait pas m’aider à présenter la littérature ultra-contemporaine parlant d’aujourd’hui, je pensais en particulier au titre suivant :

A l’ombre de la mort, de Rūdolfs Blaumanis, a paru en 1899. En français et sauf erreur, cet auteur parait pour la presque première fois le 23 de ce mois (presque, parce qu’une « version française » de sa « pièce populaire latvienne » C’est demain dimanche a paru en 1926, mais ça n’aide pas grand monde). « Inspiré d’un fait divers, Blaumanis pose dans ce texte bref écrit en 1899 des questions humaines universelles essentielles. À l’ombre de la mort, traduit pour la première fois en français, est un des chefs-d’œuvre de la littérature lettone », explique la présentation des éditions Do qui en publient la traduction, du letton, par Nicolas Auzanneau (qui signe aussi la postface). Le hasard a fait que j’en ai lu récemment une traduction anglaise dans un vieux recueil de nouvelles de Blaumanis, que j’ai beaucoup appréciée.

Autre auteur désormais classique (et déjà bien mieux connu en France), Witold Gombrowicz, dont le recueil de nouvelles Bakakaï est réédité par Denoël ce mois-ci. Quelle couverture, et quel titre ! J’avais noté, de l’introduction de l’édition Quarto lue chez Gallimard il y a longtemps, que Bakakaï est le nom d’une rue de Buenos Aires où Gombrowicz avait vécu (après 1939, pour une raison qui est certainement expliquée dans la nouvelle préface française, de Rita Gombrowicz), que certaines des nouvelles qui forment ce recueil avaient paru d’abord en 1933 à Varsovie sous le titre « Mémoires du temps de l’immaturité », qu’elles ont été reprises et complétées d’autres nouvelles pour former le texte final paru en 1957. De ma lecture, je me souviens uniquement du « Festin chez la comtesse Fritouille » – tout un programme ou plutôt, comme le dit l’éditeur : ces nouvelles, « qui empruntent souvent au conte, témoignent de la grande virtuosité de Witold Gombrowicz à créer des univers fantasques et dérangeants qui s’attachent à tourner en dérision la bourgeoisie, la religion et la famille. » Une traduction du polonais par Allan Kosko, Brone, et Georges Sédir (traducteur également de Cosmos, dont je garde un excellent souvenir), parution prévue le 15 mai.


Ce n’est tout de même pas que la littérature contemporaine soit oubliée en traduction ce mois-ci, simplement elle tend elle aussi à s’intéresser au passé. Ainsi de :

La bibliothèque du beau et du mal, d’Undinė Radzevičiūtė, soit le dernier roman (2020) d’une autrice qui avait déjà fait une toute petite apparition sur ce blog pour avoir reçu le prix de littérature de l’Union européenne en 2015. C’était avec « Poisson et dragons », roman cosmopolite suivant différents personnages entre Vilnius et la Chine impériale.

En ce qui concerne ce roman publié chez Viviane Hamy il y a déjà quelques jours, le cadre est fourni par Berlin dans les années 1920 ; l’autrice y « interroge avec humour et subtilité les contours de la liberté et nous offre une vision surprenante d’une société en crise où se révèle la complexité du monde » (source). Une traduction du lituanien par Margarita Barakauskaitė-Le Borgne.

Une vie roumaine, de Cristian Mungiu – un nom qui parlera sans doute aux cinéphiles. Ce livre « est l’occasion pour le réalisateur Cristian Mungiu d’accorder une voix à sa grand-mère. Il a tenté, en retranscrivant le témoignage de Tania, d’accepter « la vanité de sa vie à elle – et de la vie en général ». Cet ouvrage est aussi la profession de foi d’un cinéaste, lauréat de plusieurs prix à Cannes, dont une Palme d’or, qui affirme ses origines à travers un récit intime et puissant. Mungiu refuse la tristesse de sa grand‑mère, comme celle du passé » (source).

Un beau récit, bien présenté, dont je reparlerai bientôt. Traduit du roumain par Laure Hinckel et paraitra chez Marest éditeur le 7 mai.

Toutes les vies de Kazimira, de Svenja Leiber.

« Dans la tradition des grands romans familiaux allemands, une véritable saga pleine de fougue qui traverse tout le xxe siècle dans le décor méconnu de la mer Baltique ; le destin bouleversant d’une femme assoiffée de liberté et de sa descendance en quête d’identité »… voilà un premier paragraphe de résumé (présentation complète ici) absolument bourré de clichés mais sans doute le roman est-il plus subtil. Une traduction de l’allemand par Matthieu Dumont, à paraitre le 7 mai chez Belfont.


Deux autres titres, réédités en poche :

De Géorgui Gospodinov : Le pays du passé (une traduction du bulgare par Marie Vrinat-Nikolov dans la collection Folio le 16 mai). Pour en savoir plus.

De Nino Haratischwili : Mon doux jumeau (une traduction de l’allemand par Dominique Venard, chez Libretto le 16 mai). Pour en savoir plus.


De la poésie slovène :

Au-delà du ciel sous la terre, d’Aleš Šteger. « L’œuvre du Slovène Aleš Šteger, considéré comme l’une des grandes voix de la littérature contemporaine d’Europe centrale, est traduite et célébrée dans le monde entier. De fait, Šteger possède un talent inimitable. Il excelle dans cet humour tranchant, ce détournement du quotidien par l’imaginaire qui ont fait la réputation de ses prédécesseurs, le poète slovène Tomaž Šalamun ou le serbe Vasko Popa, comme celle, dans une lignée plus lointaine, de Franz Kafka. Mais sa génération, profondément marquée par les guerres qui provoquèrent l’éclatement de l’ex-Yougoslavie, est aussi celle qui a connu l’ouverture des frontières. Grandir dans cette proximité avec l’Autriche, la Croatie, la Hongrie et l’Italie a tôt conduit Aleš Šteger à une quête d’universalité le menant au gré de ses performances de Belgrade à Mexico, de l’Inde aux États-Unis » (source). Une traduction du slovène par l’également magyarophile Guillaume Métayer, à paraitre chez Gallimard le 16 mai.


Et pour terminer, un texte tchèque que je pensais (avant d’avoir bien lu la présentation) être celui d’un jeune écrivain mais a en fait été publié il y a plus de quarante ans : Viande, de Martin Harniček. « Habitant de ce monde cauchemardesque, le narrateur de Viande est un monstre ordinaire. Affamé perpétuel, obsédé par la viande, il comprend que le meilleur moyen d’en obtenir est de collaborer avec la police et de devenir un délateur professionnel. Mais, lui-même victime de délation, il se voit obligé de fuir la ville… Entre le trip horrifique des romans de Burroughs, l’exploration de la logique du mal des Bienveillantes et la parabole politique de Matin Brun, Viande est le chef d’œuvre inclassable et sauvage d’une comète de la littérature tchèque » (source et préface). Une traduction du tchèque par Benoit Meunier, à paraitre le 17 mai chez Les Monts Métalliferes.


15 commentaires on “Quelques nouveaux titres en mai”

  1. allylit dit :

    Viande est très intrigant par son résumé et je trouve que l’objet livre est très réussi !

  2. Stephan dit :

    La parution du livre d’Undinė Radzevičiūtė est l’occasion de mentionner que la saison de la Lituanie en France a lieu de septembre à décembre 2024.

  3. kathel dit :

    J’ai repéré les deux sorties en poche qui pourraient m’intéresser. Merci pour ce tour d’horizon !

  4. jostein59 dit :

    Je suis en train de lire La bibliothèque du beau et du mal. Et je lirai bientôt Svenja Leiber

  5. MarinaSofia dit :

    Cristian Mungiu! Je n’ai pas vu ce livre meme en roumain, donc a decouvrir… Merci!

  6. nathalie dit :

    Je ne situe pas du tout Gombrowicz. Pour moi c’est un nom d’écrivain d’Amérique du Sud qui apparaît dans des romans (je pense notamment à La plus secrète mémoire des hommes) (mais je l’imagine bien dans Bolaño) et c’est tout.
    De même j’ignorais le nom de ce Šteger, célébré dans le monde entier.

    Bon, heureusement, je ne note aucun titre ce mois-ci. Très bon mois donc.

    • Gombrowicz apparaît dans La plus secrète mémoire des hommes?! Tu m’étonnes, il va falloir que je me penche là-dessus. Tu n’as pas tort, sur l’aspect sud-américain – son histoire chanceuse ou malchanceuse est que, étant né en Pologne et ayant grandi en Pologne et en ayant probablement l’intention de passer une bonne partie du reste de sa vie en Pologne, il est parti en voyage pour l’Argentine pile au moment de l’invasion de la Pologne. Il décide d’y rester (en Argentine). Un quart de siècle passe. Il continue d’écrire. Il revient en Europe – d’abord à Berlin, puis en France. Voilà (en bref).


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