Olga Tokarczuk – Récits ultimes

Pourquoi « ultimes » ? Et, d’ailleurs, pourquoi « récits » ? La deuxième question est la plus facile puisque, même s’ils sont tous de facture différente, ce sont bien trois « récits » qui composent ce roman d’Olga Tokarczuk.

Le premier, « Blanche contrée », est celui d’« elle » (Ida), à la troisième personne de l’indicatif présent, ce qui nous place au plus près de ses pensées et réactions. Le second, « Paraskewia, la Parque », est celui de « je », Paraskewia, qui se parle à elle-même dans la solitude de sa maison isolée par la neige. Le dernier, « L’illusioniste », est un autre « elle », Maya, écrit à l’imparfait avec toute la distance qu’il implique. Trois parties, donc, d’une écriture classique et fine mais qui amènent aussi à se poser la question de savoir à qui, en premier lieu, Tokarczuk et ses personnages adressent ces récits.

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(Au moins) quatre lectures communes en 2023 : Holocauste, Šnajder, Tokarczuk, Alexievitch

Je vois se multiplier depuis quelques semaines les rendez-vous/lectures communes pour 2023. Il est temps d’ajouter ma (mes) pierre(s) à l’édifice !

Voici donc quatre propositions de rendez-vous, autour de quatre mots-clés et de quatre dates (j’explique un peu plus bas chaque projet et la méthode pour participer) :

  • Du 27 janvier au 3 février : troisième édition des Lectures communes autour de l’Holocauste
  • Le 11 mars : lecture commune autour d’Olga Tokarczuk
  • Le 23 mars : lecture commune de La réparation du monde, de Slobodan Šnajder
  • Le 31 mai : lecture commune autour de Svetlana Alexievitch
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Olga Tokarczuk – Les pérégrins

J’ai souvent rêvé de voir sans être vue. D’espionner. D’être l’observateur idéal.

Est-ce que lire Les pérégrins, ce « panorama foisonnant du nomadisme moderne » lorsqu’on est soi-même en voyage, améliore l’expérience de lecture ? D’un côté oui, parce que le livre est composé de tant de textes plus ou moins courts, et d’une telle diversité, qu’on peut facilement en glaner un ou deux, par-ci par-là, entre deux visites ou deux arrêts. On trouve alors pêle-mêle des pensées, des observations, des nouvelles de quelques paragraphes ou quelques pages, avec des personnages qu’on découvre une fois sans savoir qu’on les retrouvera peut-être dans un texte suivant.

Les histoires de Kunicki et de sa femme perdue, de l’anatomiste Verheyen contemporain de Spinoza, de la collection de Frederik Ruysch ou encore d’Anouchka dans le métro de Moscou, sont parmi les plus longues. Souvent situées dans un passé assez distant, toujours renouvelées et inattendues dans leur choix de personnages et de mises en scène, ce sont de vraies petites nouvelles, bien ciselées et dans lesquelles le lecteur en quête d’un peu de repos face au foisonnement de sujets de ce livre pourra s’installer un peu plus confortablement.

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Olga Tokarczuk – Dieu, le temps, les hommes et les anges

Dans son discours prononcé à l’Académie suédoise samedi dernier 7 décembre, Olga Tokarczuk, lauréate 2018 du prix Nobel de littérature, décrivait l’esprit de l’écrivain comme « un esprit synthétique, qui ramasse avec obstination tous les petits morceaux pour tenter de les recoller ensemble et créer un tout universel. » Près de 25 ans auparavant, en écrivant Prawiek i inne czasy, c’était déjà à cette tâche qu’elle s’attelait, poussée – comme elle l’écrivait dans la préface de l’édition polonaise – par l’envie d’écrire « l’histoire d’un monde qui, comme toutes les choses vivantes, naît, se développe, puis meurt. »

Ce monde, c’est celui d’Antan, qui donne son cadre au roman Dieu, le temps, les hommes et les anges (titre en français du livre paru chez Robert Laffont en 1998 dans la traduction de Christophe Glogowski) : un monde suffisamment petit pour que, comme une boule à neige, il puisse se lover dans le creux de la main et que, en approchant son œil de sa sphère transparente, le lecteur puisse avoir l’illusion de le voir dans sa totalité. Pourtant, le monde que représente Antan, que ce soit lorsque Tokarczuk y introduit ses personnages en 1914 ou lorsqu’elle referme la porte sur eux quelques décennies plus tard, est infiniment plus grand que celui d’un simple hameau « qui ne différait en rien des autres hameaux » polonais avec son église, son moulin, sa rivière, avec son curé, son meunier et son châtelain. Ou plutôt, le propos de Tokarczuk dépasse de beaucoup le simple récit familial sur fond de fragment d’histoire de Pologne, même si c’est bien sur des histoires transmises par sa grand-mère qu’elle s’est appuyée pour composer ce qui allait devenir son troisième roman. Lire la suite »


Actualité du mercredi: le prix Nobel de littérature d’Olga Tokarczuk

Le mercredi, je vous apporte une actualité concernant la littérature d’Europe centrale et orientale.

« Cărtărescu sera-t-il l’un des deux lauréats du Nobel de littérature, comme aiment à le prédire certains ? Ou sera-ce un autre auteur d’Europe centrale, les hongrois László Krasznahorkai ou Péter Nádas, ou la polonaise Olga Tokarczuk, ou l’albanais Ismail Kadaré, dont les noms circulent aussi ? Ou aucun d’entre eux ? »

La réponse est tombée jeudi dernier : ce n’est pas Cărtărescu, ni Krasznahorkai, ni Nádas, ni Kadaré, ni l’écrivaine d’origine croate Dubravka Ugrešić, ni la romancière russe Ludmila Oulitskaïa, ni même Haruki Murakami, César Aira ou Ngugi wa Thiong’o, au grand dam de ceux qui avaient pris au pied de la lettre l’annonce du comité de sélection du Nobel de littérature que le choix serait, cette année, moins eurocentré. Lire la suite »