Filip David – La maison des souvenirs et de l’oubli

Le lendemain, le professeur se rendit à pied au site, autrefois, du camp de Zemlin. Il descendit du pont Branko, traversa la prairie herbeuse et rejoignit Staro sajmište, un ensemble de pavillons décrépits près desquels ont poussé des cabanes qu’habitent aujourd’hui des réfugiés et des Tsiganes. Même si des dizaines de milliers de personnes y avaient trouvé la mort, rien ne laissait penser que, jadis, se dressait ici le premier camp d’internement des juifs, devenu par la suite un camp de transit. Il parvint à l’endroit où, récemment, des terrassiers installant des canalisations avaient découvert la boîte qui avait changé sa vie.

A Belgrade l’année dernière, j’avais logé quelques jours dans un hôtel à Novi Beograd, un peu en retrait du point de rencontre du Danube et de la Save, face au quartier d’affaires alors encore en construction. Un matin, je regardais un plan de la ville pour voir si je pouvais identifier l’endroit où avait été situé le camp de Staro Sajmište. Quelle avait été ma surprise de voir qu’il se trouvait presque littéralement sous mes pieds, ou du moins à seulement quelques minutes de marche de l’ensemble d’hôtels, de bureaux et de centre commercial qui avait poussé là de manière assez artificielle. Avant de quitter Belgrade, je m’étais rendue sur ce morceau de terrain en bordure de rivière : à peu près 10 ans après la publication du livre de Filip David dont est extraite la description ci-dessus, l’endroit, bien qu’habité, était parcouru d’herbes folles et sentait la marginalité et l’abandon.

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Svetlana Alexievitch – La fin de l’homme rouge, ou le temps du désenchantement

Ça fait rien si je vous parle de moi, si je vous raconte ma vie ? On a tous eu la même vie. Seulement, faudrait pas qu’on m’arrête à cause de cette conversation. Y a encore un pouvoir soviétique, ou c’est complètement fini ?

Quelles conditions faut-il réunir pour mener à bien un travail tel que celui qui a abouti à la publication de La fin de l’homme rouge ? Je ne parle pas uniquement des conditions matérielles, bien que celles-ci soient sûrement non-négligeables pour une entreprise qui s’étend sur deux décennies et parcourt le vaste territoire de l’ex-URSS. Je parle surtout des conditions propices au partage d’histoires personnelles, c’est-à-dire : la confiance, l’absence de peur, l’absence (au niveau d’une société) de raisons d’avoir peur. Sans ce « temps du désenchantement » des années d’après la chute de l’URSS, un livre tel que celui-ci n’aurait eu aucune raison d’exister, ou seulement de manière spéculative. Mais un livre de cette nature, fondé sur des témoignages oraux, aurait-il pu exister durant la majeure partie de l’existence de l’URSS, avec le risque qu’il comportait de remettre en cause les discours, les valeurs et l’histoire officiels ?

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Eugen Ruge – In Zeiten des abnehmenden Lichts (Quand la lumière décline)

J’ai encore les trois petites coupures de la sélection « Books of the Year » d’un Financial Times de novembre 2013, trois papiers roses avec les titres qui m’avaient le plus intéressé à l’époque parmi leur sélection des meilleurs livres de l’année. Il y avait The War that Ended Peace, de Margaret Macmillan, Harvest, de Jim Crace, et In Times of Fading Light, d’Eugen Ruge. Le premier livre est celui d’une grande spécialiste de la Première Guerre mondiale et porte sur la première décennie et demie du XXe siècle ; j’ai lu son Peacemakers/Les artisans de la paix, sur la conférence de paix de 1919, mais pas encore celui-là. Le deuxième titre, je l’ai lu au printemps 2020 et j’ai expliqué peu après pourquoi je l’avais tant aimé. Quant au troisième, il s’agit du titre de la traduction anglaise d’un roman de 2011, disponible également en français sous le titre Quand la lumière décline.

Le petit descriptif du Financial Times utilise exactement 50 mots pour parler de ce « premier roman » primé et qui retrace un demi-siècle d’histoire de l’Allemagne de l’Est à travers l’histoire de l’apparatchik Wilhelm Powileit : « cette saga familiale retranscrit, tout en détails, la réalité de la vie quotidienne en RDA », y est-il entre autres écrit.

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Maryla Szymiczkowa – Madame Mohr a disparu

Une chose était évidente à ses yeux : en aucun cas Ignacy ne devait deviner que sa femme, au lieu de se consacrer aux occupations propres à son sexe, à sa position et aux règles d’un mariage honnête, folâtrait dans des bâtiments d’utilité publique à la recherche d’un étrangleur-assassin.

J’étais en vacances dans le sud de la Hongrie quand j’ai lu ce livre pour la première fois. C’était vers la mi-février, il faisait beau mais froid et, après une journée passée dehors, c’était assez agréable de passer la soirée avec un livre ou trois, au son du ronronnement soporifique, entrecoupé d’éternuements occasionnels, du vieux convecteur au gaz qui s’efforçait tant bien que mal de dissiper la fraîcheur ambiante. Madame Mohr a disparu, ce sympathique roman polonais, était vraiment une lecture appropriée pour ces soirées tranquilles, les dernières, d’ailleurs, avant le 24 février.

La traduction anglaise était déjà sur mes étagères, acquise par curiosité et sur la base de la confiance presque aveugle que j’ai envers le travail de la traductrice Antonia Lloyd-Jones, et après l’avoir écoutée dans un très réjouissant entretien avec les auteurs du livre au festival Noirwich (repéré grâce à MarinaSofia, merci à elle !). C’est donc cette traduction anglaise (Mrs Mohr goes missing) que j’ai d’abord lue mais, pour cette chronique, j’ai relu le livre dans la traduction française, publiée fin août par Agullo qui m’en ont gentiment fait parvenir un exemplaire.

A propos d’un précédent Agullo, justement, j’avais déjà écrit qu’en tant que lectrice je me situe « dans la catégorie « Agatha Christie », c’est-à-dire quelque part entre novice et débutant sur l’échelle de la violence et du glauque » (cela ne m’avait pas empêché d’apprécier ledit Agullo, qui se situe pourtant à l’autre extrémité de l’échelle). Madame Mohr a disparu se situe en tout cas dans cette même catégorie « Agatha Christie », ou dans ce qu’on peut appeler aujourd’hui le cozy crime. J’imagine cependant que les deux victimes du roman auraient beaucoup à redire au mot « cozy », la première ayant vu sa vieillesse tranquille abrégée par l’absorption d’un poison et la seconde ayant été retrouvée prématurément morte dans son lit quelques jours plus tard.

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Weronika Gogola – Par petits bouts

Par petits bouts est le cinquième roman de Belleville Editions (et premier roman de Tropismes Editions) que je lis : cinq romans très récents, pour cinq univers très différents. J’avais commencé avec L’empire de Nistor Polobok, ce petit roman de Iulian Ciocan sur la Moldavie post-soviétique, que j’avais décrit comme « une fable apocalyptique à l’humour grinçant ». J’avais continué avec Blue Moon, de Damir Karakaš, « portrait à la première personne d’un jeune lambda de Zagreb, à la fin des années 1980 ». Puis était arrivé Et on entendait les grillons, de Corina Sabău, « récit d’un drame personnel, dont la traductrice Florica Courriol contextualise également très utilement la dimension sociale dans son introduction », ce roman stylistiquement complexe étant celui d’une femme dans la Roumanie de Ceausescu. Le suivant, que je n’ai pas encore chroniqué, était celui d’un homme dans la Serbie d’aujourd’hui, le héros de Errance de Filip Grbic étant « un personnage égaré dans un monde où il ne trouve pas sa place ».

Et voici donc Par petits bouts, roman du quotidien, d’une enfant qui grandit et dans lequel il se passe à la fois beaucoup de choses et pas grand-chose. A vrai dire, j’hésite même à utiliser le mot « roman » tant le livre épouse, de manière visiblement autobiographique, le point de vue de cette enfant sur une vie qui n’a pas nécessairement besoin de l’intervention d’une autrice pour suivre son cours.

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Levan Berdzenichvili – Ténèbres sacrées. Les derniers jours du Goulag

 – Quels sont les objectifs de votre parti ? demanda Socrate.

Ion énonça avec aisance le programme modeste de son jeune parti :

– L’enterrement du système communiste, l’indépendance de la Géorgie et l’instauration de la démocratie.

Socrate, très cérémonieux et le visage grave, demanda :

– D’où un Grec tient-il cette passion pour la Géorgie ?

– Si le grand Socrate œuvre pour la grande Ukraine, pourquoi est-il impossible que le petit Ion le fasse pour la petite Géorgie ? demanda Ion, qui pesait au moins deux fois plus que Socrate.

Socrate, imperturbable :

– Alors, les trois à la fois, n’est-ce pas ? Renversement du communisme, indépendance, démocratie.

Ion s’enhardit :

– C’est ça. Dieu est Trinité.

Je n’avais pas encore lu Ténèbres sacrées lorsque j’ai annoncé qu’il y aurait du rire dans mon programme – sinon assez sombre – de janvier, et je ne l’avais pas non plus encore lu quand j’ai décidé de l’associer à Les beaux jours de l’enfer dans une petite séquence sur les intellectuels au Goulag. Mais je ne me suis pas trompée : le livre a beau se dérouler entièrement dans un camp de travail soviétique, on ne peut s’empêcher de rire à la lecture du récit – reconstruction en partie fictionnalisée – de trois années d’emprisonnement de l’auteur et de la célébration de ses codétenus d’alors.

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En Hongrie et en URSS, les tribulations d’intellectuels du XXe siècle

Après deux romans sur la Seconde Guerre mondiale en Bulgarie et en Yougoslavie sous occupation hongroise, et après deux récits de déportation au Kazakhstan et en Sibérie sous Staline, voici bientôt deux récits littéraires empreint d’humour et d’absurde, dont le thème commun est le goulag (façon Hongrie des années 1950 et URSS des années 1980), tel que vécu par des intellectuels.

Le premier est un livre dont la traduction française est tellement confidentielle que même la bibliothèque nationale hongroise s’avoue vaincue : impossible de mettre la main sur un exemplaire de l’édition française (1965). Je me suis donc rabattue sur la version anglaise (1962) de ce texte dont l’original hongrois n’a officiellement paru en Hongrie qu’en 1989. Il s’agit de Les beaux jours de l’enfer, du poète hongrois György Faludy.

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Le second sera bien plus facile à trouver dès qu’il aura paru en traduction française (aux éditions Noir sur Blanc le 10 février ; publication originale en 2010). Il s’agit de Ténèbres sacrées. Les derniers jours du Goulag, de l’universitaire et homme politique géorgien Levan Berdzenichvili.

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C’est sur Passage à l’Est !, et c’est à partir de demain.


Théodora Dimova – Les dévastés

Plus tard, tout au long de la journée, la radio retransmit régulièrement la proclamation. Le précédent gouvernement avait été renversé, mais on ne disait ni pourquoi ni comment. Cela n’empêchait pas le présentateur de poursuivre : les partisans descendaient massivement des montagnes. La population sortait pour les accueillir avec du pain et du sel. Sa joie était double : elle avait d’abord accueilli les soldats soviétiques, elle accueillait maintenant les partisans. Elle les parait de fleurs, scandait « mort au fascisme », et là, le présentateur semblait avoir du mal à réprimer ses larmes.

(…)

Et seulement un mois plus tard, la réalité commença lentement à se déformer et à surpasser ses craintes les plus profondes. Seulement un mois plus tard, ses peurs commencèrent à ressembler à d’inoffensives visions au regard de ce qui se produisait.

Une femme, par une nuit glaciale d’hiver, erre dans son appartement, incapable de se concentrer sur autre chose que ses pensées fébriles et son attente d’un messager qui ne vient pas.

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Désobéissantes, « portraits de femmes qui ont brillé », en Roumanie et au-delà

Quand j’ai feuilleté pour la première fois ces Désobéissantes après l’avoir reçu de Belleville éditions il y a quelques semaines, c’est d’abord la sélection des profils rassemblés que j’ai regardée. Ce livre propose en effet, sur environ 170 pages illustrées, environ 80 portraits, individuels ou collectifs, dont le point commun – hormis d’être celui de femmes – est que ce sont ceux de femmes « libres, indociles et indépendantes ».

D’autres parleraient d’héroïnes, d’insoumises ou de précurseuses (le site 1001 héroïnes les rapproche aussi des Culottées de Pénélope Bagieu) ; les cinq autrices roumaines, connues pour leur travail dans la littérature jeunesse et regroupées en un collectif féministe, ont préféré le mot Nesupusele, traduit ici par Désobéissantes.

Ce sont donc environ 80 portraits, sous la forme d’histoires « imaginées à partir de faits réels documentés ». Qui sont ces femmes ? La plupart porte des noms qui ne nous diront pas grand-chose, et qui ne parleront peut-être pas non plus à la grande majorité de la population roumaine si elle venait à avoir le livre entre les mains. C’est justement le point de départ du livre et de la réflexion des autrices autour de ce qui fait la réussite et la célébrité au fil du temps.

Laura Colţofean-Arizancu, Virginia Andreescu-Haret, Cristina Liberis, ou encore Calypso C. Botez, pour ne citer au hasard que quatre parmi elles : la première, née en 1989, est archéologue ; la seconde (1894-1962) a été la première femme de Roumanie à être diplômée en architecture ; la troisième (née en 1968) a longtemps été correspondante spéciale en zone de conflit pour la télévision roumaine ; et la quatrième (1880-1933) était professeur de philosophie, conseillère municipale, écrivaine et militante pour les droits des femmes. Pour chacune, les autrices de Désobéissantes proposent un très court texte qui pose un ton et une atmosphère, et qui met en lumière une facette de leur personnalité, de leurs réalisations, de leurs vies, ou encore des traces qu’elles ont laissées.

Certaines de ces femmes portent des noms qu’on retrouve dans l’histoire ou la littérature : Cantacuzino, Brătianu, Brâncoveanu… , mais seulement parce que leurs pères, frères, maris ou fils ont été des princes, « des Premiers ministres, des ministres, des chefs de parti, des maires. » Cette petite liste est tirée du paragraphe biographique qui clôt « Ceux qui restent », l’histoire d’un fragment de la vie de Sabina Cantacuzino (1863-1944), « militante dans le domaine de la santé, des arts et de l’éducation. » Devenue Cantacuzino par mariage, elle venait de la famille Brătianu ; la page suivante est justement intitulée « Les blouses d’Elisa » et évoque la vie d’Elisa Brătianu (1870-1957), femme fort investie dans la vie des arts populaires. Elle était née Ştirbey, et même si je ne l’ai pas trouvé en relisant le livre, je ne serais pas surprise qu’on retrouve ce nom autre part dans ce livre.

Désobéissantes n’est cependant pas un extrait du bottin mondain roumain : on retrouve aussi des portraits collectifs portant seulement le nom d’un groupe de femmes sinon anonymes : « les sage-femmes », « les migrantes » (« les mères qui partent travailler dans d’autres pays »), « les gustistes » (« un groupe de jeunes femmes membres de l’Ecole de Sociologie de Bucarest, …. reconnu[e] internationalement dans la période d’entre-guerre pour ses résultats obtenus suite à des études de la vie de village et de la culture populaire roumaine »), ou encore « les femmes au foyer » (un extrait du texte : « Nous, nous croyions que l’Histoire se faisait seulement par des batailles, mais la prof s’est mise à nous expliquer que les guerres n’ont pu avoir lieu que parce que, depuis que le monde est monde, les femmes ont fait et élevé les enfants, ont cuisiné, lavé, repassé, balayé, passé l’aspirateur, fait la poussière, arrosé les fleurs, cousu les chaussettes trouées et fait des bocaux de cornichons l’automne »).

Voici aussi l’illustration de « 2 heures et 3 minutes », texte de Laura Grünberg sur Simona Halep, illustré par Maria Surducan (détail)

Parmi tous les noms, certains auront certainement franchi la barrière du temps, de la géographie et du genre : Nadia Comăneci la gymnaste est là, de même que Herta Müller l’écrivaine ; les mélomanes reconnaitront peut-être Clara Haskil la pianiste, et en profiteront pour découvrir l’artiste de musique populaire Maria Tănase (je ne résiste pas au plaisir de mettre une illustration musicale). Pour ma part, j’ai aussi retrouvé avec plaisir Hortensia Papadat-Bengescu (auteure, entre autres, de Le Concert de Bach, publié en 1927 et que j’ai chroniqué ici), et la poète Ana Blandiana, ainsi que l’écrivaine Ana Novac qui aura toute sa place dans les prochaines lectures communes autour de l’Holocauste. Autre dimension que j’ai appréciée, dans une région où les frontières et l’existence de différents groupes ethniques est encore un sujet qui peut fâcher, a été la diversité ethnique des portraits proposés, avec une majorité roumaine mais aussi des minorités allemande, hongroise, aroumaine, rom… à l’image de la population du pays.

Visiblement, le choix des femmes à inclure, parmi toutes celles qui le mériteraient, n’a pas toujours été évident : le livre y fait une illusion amusante lorsque Laura Grünberg évoque le personnage de « la princesse Alexandrina Cantacuzino, philanthrope et diplomate roumaine » à travers la description d’une « réunion de rédaction » à laquelle participent les cinq autrices du livre. Faut-il inclure cette figure, personnalité du mouvement des femmes de Roumanie mais aussi connue pour sa proximité avec le mouvement fasciste de la Garde de fer durant la Seconde Guerre mondiale ? Ce sera « oui », avec cette histoire qui répond en même temps un peu « non ».

Et voici Monica Lovinescu, l’héroïne de « Des voix dans l’ombre », texte de Victoria Pătrascu illustré par Ágnes Keszeg (détail)

Même si l’on retrouve parfois des liens – des noms, des lieux – entre ces histoires, elles sont principalement à lire pour elles-mêmes, par ordre d’apparition ou en picorant par-ci par-là, on peut aussi simplement se laisser porter par le plaisir des images : l’aspect visuel est très important et est le fruit du travail d’une douzaine d’illustratrices aux styles très divers. Ce sont des images tour à tour poétiques, vibrantes, enfantines, dynamiques, rêveuses. Elles échangent avec l’histoire, jouant souvent avec le temps pour présenter deux périodes de la vie de la femme représentée, ou sa vie de l’époque et son héritage aujourd’hui. De page en page, on peut aussi apprendre à reconnaître le style particulier à chaque illustratrice : Iulia Ignat – et son style très fin pour représenter l’artiste botaniste Angiolina Santocono, Ana Novac ou encore l’ancienne enfant-détenue Ruxandra Berindei et sa mère la détenue politique Ioana Berindei – et Zelmira Szabó – et son jeu avec les formes et les textures sur le papier – sont parmi mes préférées.

En Roumanie, les autrices de ce livre (deux volumes dans l’édition d’origine) l’ont accompagné d’ateliers de discussion auprès d’un public plutôt jeune. Dans les autres pays de cette région que j’aime couvrir ici, ce ne serait pas une mauvaise chose d’avoir accès à un livre similaire pour mieux connaître le passé, enrichir l’avenir, et apporter un peu de diversité parmi les noms des hommes célèbres qui ont « fait » l’Histoire, la politique, les sciences, la culture et les noms de rues.

Pour poursuivre (ou préparer) la découverte, une émission intéressante en français autour du livre, de son titre, de ses autrices, sur Radio România Internaţional, sur ce lien.

Désobéissantes, recueil illustré de portraits de femmes, est écrit par Adina Rosetti, Victoria Patrascu, Iulia Iordan, Laura Grünberg et Cristina Andone et traduit du roumain par Sidonie Mézaize-Milon et Oana Calen. Belleville Editions, 2021.


Nana Ekvtimishvili – The Pear Field

« Ces gamins sont peut-être des attardés, mais ils savent exactement ce qui se passe »

“Those kids may be backwards, but they know exactly what’s going on”

Après Sanatorium, de Barbara Klicka, voici le deuxième volet de ma séquence autour de livres évoquant des vies « normales » dans des endroits « à part » : The Pear Field (« Le verger de poires ») de l’auteure et cinéaste géorgienne Nana Ekvtimishvili.

Encore une lecture en anglais ? Oui, et la bonne nouvelle est qu’une traduction française de ce roman est prévue aux Editions Noir sur Blanc en 2023 (les extraits sont présentés ici avec mes traductions). Voici déjà un avant-goût de ce roman dur, fort et porté par des personnages qui transcendent leur cadre – ce quartier de Tbilissi, en Géorgie où « il n’y a rien d’intéressant à voir, ni bâtiments historiques, ni fontaines, ni monuments aux plus grandes réalisations de notre société ».

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