Des prix Nobel d’Europe centrale, de l’Est et des Balkans

En 2022, comme je l’annoncais au début de l’année, je me propose de lire des prix Nobel de littérature (et de la paix) en provenance des pays d’Europe centrale, de l’Est (hors Russie) et des Balkans. Voici ma liste des quatorze écrivain.e.s retenu.e.s, chacun avec une courte biographie, quelques titres, et les liens vers les chroniques déjà disponibles sur ce site.

Joignez-vous à moi si vous souhaitez, dans l’ordre que vous voulez, au rythme que vous pouvez, et ajoutez à cette liste les auteurs russes si l’envie vous en prend ! Il suffit de les ajouter dans les commentaires avec le lien vers votre blog, et de mettre dans votre article le lien vers cette page.


Henryk Sienkiewicz

Né en 1846 en Pologne (sous contrôle russe), décédé en 1916 à Vevey en Suisse, Henryk Sienkiewicz reçoit le prix Nobel de littérature en 1905. Fervent partisan d’une Pologne indépendante, il écrit en polonais, et est principalement connu pour le souffle épique de ses romans historiques. En français, Quo vadis ? (1896) et Par le fer et par le feu (1884) sont ses romans les plus aisément disponibles.

Bertha von Suttner

En faisant une petite recherche sur Jaroslav Seifert (voire sa présentation plus bas), je me suis rendu compte qu’il n’était pas le seul natif de Prague à avoir reçu un prix Nobel. En cela, il est précédé par Bertha von Suttner (1843-1914) qui est la deuxième femme – après Marie Curie – à recevoir un prix Nobel : ce sera en 1905, pour son action en faveur de la cause pacifiste (prix Nobel de la paix, donc). Bertha von Suttner a eu une vie pleine de péripéties, résumées dans l’article wikipédia la concernant – les huit années qu’elle a passées en Géorgie m’ont particulièrement fascinées ! En sus de son activité de journalisme et d’écriture d’essais, Bertha Suttner a publié en 1889 un roman pacifiste, Die Waffen nieder !, traduit en français dès les années 1890 sous le titre Bas les armes !. Les éditions Turquoise ont réédité ce roman en 2015, et ont publié deux ans plus tard la biographie que lui consacre l’historienne (et biographe de Le Vienne d’Hitler et d’Elisabeth d’Autriche) Brigitte Hamann : Bertha Suttner, Une vie pour la paix.

>>> Dans mon entretien avec l’autrice tchèque et femme engagée Kateřina Tučková, celle-ci regrettait que, bien que Bertha von Suttner ait passé douze ans de sa vie dans la ville de Brno, elle ne soit mentionnée nulle part dans la ville.

Władysław Reymont

Né en 1867 en Pologne (sous contrôle russe), décédé en 1925 à Varsovie, Władysław Reymont est le lauréat de 1924 et c’est, comme son prédécesseur polonais Henryk Sienkiewicz, pour un roman du destin national qu’il est primé : Les Paysans, fresque publiée entre 1904 et 1909. La terre promise (1899), roman du développement industriel polonais, est son livre le plus récemment réédité en français, aux Editions Zoé en 2011.

Ivo Andrić

Né en 1892 à Dolac en Bosnie (qui est alors administrée par l’empire austro-hongrois), décédé à Belgrade en Yougoslavie en 1975, Ivo Andrić écrit en serbo-croate. Comme pour ses deux prédécesseurs polonais, c’est le caractère « épique » de son écriture et de ses thèmes que souligne le comité Nobel lorsqu’il lui attribue le prix Nobel de littérature en 1961. Auteur jusqu’au début des années 1940 de poèmes et de nouvelles, il se consacre durant la Seconde Guerre mondiale a l’écriture, et c’est de cette époque que datent ses livres les plus connus à l’étranger, les deux romans historiques La chronique de Travnik (1942) et (surtout) Le pont sur la Drina (1945). Son ouvrage posthume Omer pacha Latas (1977) est également aisément accessible en français.

Sur Passage à l’Est, j’ai déjà chroniqué :

>>> L’Éléphant du vizir

>>> Omer pacha Latas

>>> Contes de la solitude

Shmuel (Samuel) Yosef Agnon

C’est en compilant cette liste que j’ai découvert l’existence de ce poète et écrivain, lauréat du prix Nobel de Littérature en 1966 (partagé avec Nelly Sachs). Il nait en 1888 à Buczacz en Galicie austro-hongroise (désormais en Ukraine), qu’il quitte une vingtaine d’années plus tard pour s’installer une première fois en Palestine puis, après 12 ans passés en Allemagne, de s’y réinstaller définitivement. Il décède en Israël en 1970. Ecrivant en hébreu, il puise notamment dans ses souvenirs de la ville et des traditions juives de son enfance. Parmi ses livres traduits en français, les plus récents sont ceux publiés chez Gallimard : A la fleur de l’âge (1923), Au cœur des mers (1935), Téhila (1950).

Isaac Bashevis Singer

Il y a quelques parallèles à établir entre Shmuel Yosef Agnon et mon lauréat « de l’Est » suivant, Isaac Bashevis Singer : deux écrivains écrivant sous pseudonyme, deux écrivains nés dans l’ancien monde juif d’Europe de l’Est, deux écrivains témoins à distance d’un Holocauste qui détruit leurs communautés d’origine. Né au début du XXe siècle à Leoncin, dans le territoire polonais sous administration russe, installé aux Etats-Unis dès 1935, il y décède en 1991. Lorsqu’il reçoit le prix Nobel de littérature en 1978, il est déjà l’auteur d’une œuvre de fiction en yiddish considérable, dans laquelle il évoque autant l’histoire juive que ses propres souvenirs de la culture juive de Pologne et son expérience de l’Amérique. Isaac Bashevis Singer est très bien traduit en français, qu’il s’agisse de ses romans (Le magicien de Lublin, La famille Moskat, Ombres sur l’Hudson…) que de recueils de nouvelles (La couronne de plumes, et autres nouvelles ; Zlateh la chèvre, et autres contes…).

Sur Passage à l’Est, j’ai déjà chroniqué :

>>> Au tribunal de mon père

>>> Le Spinoza de la rue du Marché

>>> Le Golem

Czesław Miłosz

Troisième lauréat polonais du prix Nobel de littérature, en 1980, Miłosz nait en 1911 dans l’empire russe, aujourd’hui Lituanie, et décède à Kraków en Pologne en 2004 après un long exil en France puis aux Etats-Unis. Poète et traducteur, sa trajectoire d’écrivain est également influencée par son expérience de la guerre et des régimes autoritaires, qui lui inspire La pensée captive (1953).

En 2011, en célébration du centenaire de sa naissance, un livre audio en français avait été enregistré, regroupant 17 poèmes lus par Michael Lonsdale, et diffusé avec le numéro d’octobre 2011 du Magazine Littéraire. On peut en retrouver plusieurs, par exemple cette « Confession », sur le site de France Culture. Deux livres qui m’intriguent : Sur les bords de l’Issa (Gallimard, 1956), « qui fait revivre la nature et les gens du Pays Balte n’est pas, malgré les apparences, un roman autobiographique » (du moins c’est ce qu’indique le court texte biographique inséré en introduction) ; et La prise du pouvoir, fresque recouvrant quelques mois de 1944-45 à Varsovie, publiée chez Gallimard en 1954.

Elias Canetti

« On peut dire que la langue allemande est la terre natale de Canetti, et est restée, malgré le nomadisme de sa vie, la langue dans laquelle il a écrit ses œuvres » (Comité Nobel).

Si Czesław Miłosz, écrivain de langue polonaise, est établi aux Etats-Unis lorsqu’il reçoit le prix Nobel de littérature en 1981, c’est donc un écrivain d’expression allemande, né dans une famille séfarade de Bulgarie et établit au Royaume-Uni depuis que l’Anschluss le pousse à quitter l’Autriche en 1938, qui le reçoit l’année suivante (c’est en Suisse qu’il passe les dernières années de sa vie).

Elias Canetti (1905-1994) est l’auteur d’un roman (Auto-da-fé), de pièces de théâtre, d’une étude sur les mouvements de masse (Masse et puissance, souvent citée comme son œuvre principale) ainsi que de quatre tomes de son autobiographie. Le premier, La langue sauvée, est certainement le plus connu pour son évocation d’une enfance et adolescence qui sont comme une découverte de toute la culture européenne.

Sur Passage à l’Est, j’ai déjà chroniqué :

>>> La langue sauvée

Jaroslav Seifert

Jaroslav Seifert est le premier, et à ce jour seul, auteur d’expression tchèque à avoir reçu le prix Nobel de littérature. Il avait 83 ans lorsqu’il le reçut en 1984, dans un pays qui s’appelait alors la Tchécoslovaquie mais qui faisait à sa naissance partie de l’Autriche-Hongrie. Il nait, donc, en 1901, dans le quartier ouvrier de Žižkov, qui influence certainement ses premiers choix politiques et journalistiques (travaillant d’abord pour des journaux communistes, puis pour la presse social-démocrate) ainsi que ses premiers pas en tant que poète. Après la publication de La ville en pleurs, son premier recueil en 1921, il devient l’une des principales figures de l’avant-garde artistique tchécoslovaque. En 1950, après l’instauration du régime communiste, il quitte le journalisme et se consacre entièrement à la littérature, mais reste attentif aux développements politiques, condamnant notamment l’invasion soviétique de 1968 et faisant partie des signataires de la Charte 77. Ses quelques trente recueils de poèmes, caractérisées par son humanité, sa célébration de son pays et de sa ville natales, et par l’attention qu’il porte au rythme et à la mélodie de la langue tchèque, font de lui l’un des poètes les plus populaires de son pays.

Dans les années 1980, les Sonnets de Prague et Le parapluie de Piccadilly sont parmi ses premiers recueils traduits et publiés en français ; en 1991, les éditions Belfond ont également publié un de deux volumes autobiographiques : Toutes les beautés du monde.

Elie Wiesel

Lauréat 1986 (Paix) : Elie Wiesel (1928-2016) – écrit en français et en anglais

Bio en cours de rédaction…

Sur Passage à l’Est, j’ai déjà chroniqué :

>>> La nuit (1958)

Wisława Szymborska

Lauréate 1996 (Littérature) : Wisława Szymborska (1923-2012) – écrit en polonais

Bio en cours de rédaction…

Imre Kertész

Lauréat 2002 (Littérature) : Imre Kertész (1929-2016) – écrit en hongrois

Bio en cours de rédaction…

Sur Passage à l’Est, j’ai déjà chroniqué :

>>> Roman policier

>>> Être sans destin

Herta Müller

Lauréate 2009 (Littérature) : Herta Müller (1953) – écrit en allemand

Bio en cours de rédaction…

Sur Passage à l’Est, j’ai déjà chroniqué :

>>> La bascule du souffle

>>> Tous les chats sautent à leur façon

Svetlana Alexievich

Lauréate 2015 (Littérature) : Svetlana Alexievich (1948) – écrit en russe

Bio en cours de rédaction…

Sur Passage à l’Est, j’ai déjà chroniqué :

>>> La fin de l’homme rouge, ou le temps du désenchantement

Olga Tokarczuk

Cinquième lauréate du prix Nobel de littérature à s’exprimer en polonais, Olga Tokarczuk a-t-elle encore besoin d’être présentée ? Son Nobel n’est pas si ancien (un prix décerné en 2019 pour une lauréate de l’année 2018), les rééditions au format poche des traductions en français de ses œuvres sont elles aussi récentes, et, soixante ans après sa naissance dans l’ouest de la Pologne, elle n’en est pas à sa dernière œuvre – un thriller est, parait-il, en cours de rédaction. D’abord intéressée par la poésie avec un premier recueil en 1989 (Miasto w lustrach/La ville en miroir), c’est sous la forme d’un roman historique qu’elle est ensuite publiée en 1993 (Podróż ludzi Księgi/Voyage des gens du Livre).

La suite, on la connait : des romans d’une grande qualité et diversité, des traductions (j’avais présenté Olga Tokarczuk et ses traductions en français au moment de sa réception du Nobel) et des prix. Des prix polonais, des prix allemands, des prix américains, des prix français, des prix d’autres pays… et donc le Nobel, en reconnaissance d’une œuvre marquée par « une imagination narrative qui, avec une passion encyclopédique, symbolise le dépassement des frontières comme forme de vie ».

Sur Passage à l’Est, j’ai déjà chroniqué :

>>> Dieu, le temps, les hommes et les anges

>>> Les pérégrins

>>> Récits ultimes


2 commentaires on “Des prix Nobel d’Europe centrale, de l’Est et des Balkans”

  1. Magdalena dit :

    Bonjour,
    Je vous ai écrit pour parler de Jaroslav Seifert, entre autres… Avez-vous reçu mon message ?Jusqu’ici aucune nouvelle de votre part.
    P.S. Je suis inscrite à Passage à l’Est! depuis plusieurs années.
    Cordialement,
    Magdalena

    • Bonjour Magdalena,
      Vous m’aviez laissé votre commentaire sur mon autre article où j’annoncais cette initiative (https://passagealest.wordpress.com/2022/01/05/un-programme-pour-un-mois-deux-mois-une-annee/), et c’est là que je vous ai répondu! Je vous copie ma réponse ci-dessous, tout en me réjouissant de pouvoir découvrir Seifert en votre compagnie:
      « Bonjour, Merci de votre passage, je suis très contente de savoir que vous avez trouvé de bonnes idées de lectures ici! Vous avez raison, Hrabal mériterait d’être mieux mis en valeur. Il me semble que Margita Figuli n’est pas traduite en français? J’ai son Tri gaštanové kone qui attend que je le lise dans la traduction anglaise (publiée par un éditeur qui a aussi publié Ivan Olbracht qui, lui, est traduit en français mais il y a plus de cinquante ans)…
      Pour Jaroslav Seifert, en effet, il attend aussi que je lui fasse sa petite biographie. Voulez-vous vous joindre à moi pour le lire? Par exemple en mai? Je peux trouver ici son Le parapluie de Piccadilly, ou essayer de me procurer Toutes les beautés du monde. »


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