Quelques actualités littéraires chez nos voisins : censure, prix internationaux et un décès

Bélarus

Pour commencer, un article sur une actualité plutôt anti-littéraire : la censure au Bélarus (Biélorussie). Svetlana Alexievitch (en exil en Allemagne) et, plus récemment, Sacha Filipenko (longtemps établi en Russie, en exil en Suisse), sont les personnalités les plus proéminentes de la littérature de ce pays mais celle-ci représente sinon plutôt un trou noir hors de ses frontières. J’avais donné quelques pistes d’auteurs/autrices dans cet article en 2020, en soulignant les limites de l’exercice, dues en grande partie au manque de connaissances sur ce qui se passe en termes de vie littéraire dans ce pays avant même d’arriver à l’étape de la traduction et des publications dans des langues étrangères. Y a-t-il, en plus, besoin de rappeler l’écroulement de la situation des droits de l’homme au Bélarus, situation qui n’avait jamais été brillante mais a empiré depuis les élections présidentielles truquées de l’été 2020, la vague d’émigration massive d’activistes, d’intellectuels et d’anonymes, la répression brutale par le régime de toute opposition, les 1400 et quelques prisonniers politiques, les décès en prison de prisonniers politiques (cinq à ce jour), les hommes et femmes tenus prisonniers au secret et au sujet desquels aucune information n’est disponible depuis plus d’un an, etc, etc ?

« Pourquoi des écrivains se retrouvent-ils de plus en plus nombreux derrière les barreaux, avec pour résultat qu’une partie importante de notre scène littéraire contemporaine – ainsi que des écrivains classiques d’il y a un siècle ou plus – prend aujourd’hui la forme de littérature carcérale ? » demande de son côté le poète, créateur d’une chaine youtube qualifiée d’« extrémiste » par le régime, et traducteur en exil Andrej Chadanovič dans cet article en anglais sur Eurozine (et en allemand sur Dekóder). Il propose ensuite un retour sur le traitement de certaines personnalités littéraires du XIXe siècle à nos jours, dont les œuvres sont aujourd’hui censurées et/ou taxées d’extrémisme et/ou retirées des programmes scolaires. Il est question dans son article de poésie-glucose, d’un chien poméranien nommé Umka, d’un soulèvement en 1863, et d’un opéra joué à Londres par des artistes bélarusses et des solistes ukrainiennes, et il y est aussi question des poètes Uladzimir Niakliajeū (Ouladzimir Niakliaïew, né en 1946), Łarysa Hieniuš (Laryssa Héniouch, 1910-1983), Natallia Arsieńnieva (1903-1997), Lidzija Arabiej (1925-2015), Uladzimir Karatkievič (Ouladzimir Karatkievitch, 1930–1984), et du dramaturge Vincent Dunin-Marcinkievič (1808–1884) (la première est la forme du nom donnée dans l’article et la deuxième celle utilisée par Wikipédia lorsqu’il existe une page en français ou en anglais, vers laquelle je mets le lien).

Hélas, ces auteurs et autrices ne semblent pas être traduits en français ou en anglais ; le PEN Belarus donne sur son site la liste des textes inclus dans la liste des œuvres censurées : celle-ci comprend des ouvrages historiques (histoire militaire ou sur la Seconde guerre mondiale, sur la transition post-soviétique, sur l’idée nationale bélarusse), des recueils de chants patriotiques, et deux textes d’Alhierd Bacharevic (1975) qui est, lui, traduit en français aux éditions du Ver à Soie.


International

Autre part, c’est la saison de longlists et des shortlists des prix littéraires décernés au printemps et à l’été ; voici quelques-unes des sélections qui m’ont tapé dans l’œil.

En espagnol: laslo crasnajorkai (source: site de l’auteur)

Connaissiez-vous le prix Formentor ? Moi non plus, jusqu’à ce qu’il soit décerné à László Krasznahorkai le mois dernier, pour l’ensemble d’une œuvre marquée par « l’énergie créatrice d’une littérature complètement étrangère à l’influence industrielle du divertissement ». C’est un prix international d’origine espagnole qui a connu une première vie dans les années 1960 (Borges et Sarraute par exemple, et Gombrowicz pour son Cosmos) avant d’être ressuscité en 2011. Jusqu’à 2017, ce sont principalement des écrivains issus de l’espace hispanophone qui sont récompensés, avant qu’un tournant international (et moins exclusivement masculin) ne soit pris à partir de 2018 : en intégrant la liste des primés Formentor, Krasznahorkai rejoint des nobelisés (Annie Ernaux, 2019), des voisins nobélisables (le roumain Mircea Cărtărescu, 2018) et d’autres écrivains et écrivaines de grande stature (Nooteboom 2020 ; Aira 2021 ; Oulitskaïa, 2022, et Quignard, 2023). Le traducteur espagnol de Krasznahorkai est certainement en train de plancher sur sa prochaine livraison (il leur manque encore Le baron Wenckheim est de retour, par exemple) ; je suis interpellée par les couvertures espagnoles, pas très attrayantes !


Kurkov, Kadaré, Honek : l’International Booker Prize, arbitre reconnu de la littérature internationale en traduction vers l’anglais, a lui aussi annoncé sa première sélection – treize livres qui, selon le jury, mettent en avant « notre humanité commune dans un monde violent ». Parmi ces livres, deux sont d’auteurs connus et reconnus : Ismail Kadaré (A dictator calls, traduction en anglais de ce qui a paru en français en 2022 sous le titre Disputes au sommet) et Andreï Kurkov (The silver bone, paru en français en 2022 sous le titre L’oreille de Kiev), mais c’est le troisième titre « Europe centrale » qui a attiré mon attention : White nights, de Urszula Honek (trad. du polonais par Kate Webster, MTO Press 2023), est « une série de nouvelles liées entre elles et concernant les divers tragédies et malheurs qui touchent un groupe de personnes qui ont toutes grandi et vécu dans le même village de la région des basses Beskides, au sud de la Pologne » (source). La liste complète des treize titres est ici et l’IBP annoncera sa décision finale le 21 mai. Parmi les précédents lauréats du prix : Kadaré en 2005, Krasznahorkai en 2015, Tokarczuk en 2018 (avec la traduction en anglais de Les pérégrins), et Guéorgui Gospodinov l’année dernière (avec la traduction en anglais de Le pays du passé).


Une autre sélection en anglais. C’est celle-ci qui m’intéresse le plus car c’est celle du prix littéraire de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (EBRD Literature Prize), créé en 2018 et sélectionnant des livres issus des pays d’opération de la banque, soit de l’Europe centrale à l’Asie centrale et déjà traduits en anglais.

C’est souvent l’occasion de découvrir de nouveaux auteurs et c’est le cas cette fois-ci encore avec un nouveau venu croate, Ivica Prtenjača dont on peut supposer que le roman Let’s Go Home, Son (Istros Books pour la traduction anglaise) finira par rejoindre la liste des livres croates traduits en français. Parmi les autres titres (dont certains traduits du grec, du turc et de l’arabe (Égypte, Liban)), j’y trouve aussi, en forme de piqûre de rappel, des titres d’autrices et auteurs hongrois, ukrainien, tchèque et roumain déjà traduits en français mais pas encore présents sur mon blog : La fin, d’Attila Bartis, Actes Sud 2022 ; Code-barres, de Krisztina Tóth, Gallimard 2014 ; Le concert posthume de Jimi Hendrix, d’Andreï Kourkov, Liana Levi 2015; Une personne sensible, de Jáchym Topol, Noir sur Blanc 2021, ainsi que le dernier opus de Norman Manea, Exiled Shadow, non encore traduit en français. Je suis curieuse de voir auquel de ces titres le prix 2024 sera décerné en juin.


Quelques mots également au sujet du prix littéraire de l’Union européenne, auquel je m’étais intéressée il y a quelques années et qui a annoncé son lauréat hier soir. C’est un prix assez institutionnel, ce qui lui donnait une certaine lourdeur au moment où je l’avais présenté (par année, pour un tiers des pays concernés, un ou une lauréat.e à partir d’une sélection de trois titres, ça faisait beaucoup de lauréats) ; le mécanisme a été changé depuis au profit d’un lauréat général et de quelques mentions spéciales tirées d’une sélection d’un livre d’un auteur ou une autrice émergent.e pour chacun des treize pays mis en avant cette année.

Pour 2024, ce lauréat est le danois Theis Ørntoft, mais je prends note également des mentions spéciales décernées au bulgare Todor Torov et à la slovène Tina Vrščaj, ainsi que des autres auteurs et autrices « Europe centrale, de l’Est et des Balkans » inclus dans la première sélection, soit Rita Petro (Albanie), Panni Puskás (Hongrie), Daina Tabūna (Lettonie), Bojan Krivokapić (Serbie) (toute la liste ici). Le prix étant assorti d’un coup de pouce aux traductions, on peut supposer que certains de ces auteurs et autrices finiront par paraitre en français également (j’ai recensé dans le même article les titres ayant bénéficié du prix et traduits en français jusqu’en 2019, mais il y en a quelques autres depuis – Dans le fossé, de Sladjana Nina Perković, chez Zulma cette année ; Attraper le lapin, de Lana Bastašić chez Gaïa en 2022 ; De très modestes cadeaux, d’Uglješa Šajtinac chez Bleu et Jaune en 2021 ; Le jardin de verre, de Tatiana Ţîbuleac, aux Syrtes en 2020).


Bulgarie

Enfin, l’Académie des Sciences bulgare a annoncé le mois dernier le décès à 58 ans de l’écrivain Alek Popov. Décrit comme « l’un des auteurs les plus originaux et talentueux de fiction contemporaine bulgare », Alek Popov était surtout connu à l’étranger pour son premier roman, Mission Londres (Мисия Лондон, 2001), traduit dans une douzaine de langues parmi lesquelles le français (par Marie Vrinat) en 2006 aux éditions Alvik qui en disaient que, « sans épargner les Occidentaux, Alek Popov évoque les mœurs de ses concitoyens avec un cynisme qui se mêle à une intense jubilation. Situations burlesques, rebondissements inattendus et dialogues crus confèrent à Mission Londres les qualités d’un roman d’espionnage. Son récit possède l’énergie et la lucidité d’un pamphlet. » A redécouvrir.


Une bonne poignée de titres et une poignée de liens

Le titre annonce deux parties mais ce billet sera en fait composé de trois : d’abord les parutions de mars, puis celles qui étaient passé entre les mailles des filets de janvier et de février, et enfin une poignée d’articles et de nouvelles. J’avais terminé la liste de février en annonçant une liste de mars plus courte mais qui va se plaindre que ce ne soit pas vraiment le cas ?

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Quelques nouvelles publications et actualités

C’est un mois très calme côté nouvelles publications, j’en profite donc pour :

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Quelques titres parmi les nouvelles traductions de ce début d’automne

Sans prétendre à l’exhaustivité, voici quelques-uns des titres estampillés « Europe centrale, de l’Est et des Balkans » parus ou à paraitre ces temps-ci.

Mais d’abord, une annonce qui m’a réjouie, celle qui fait ressortir un temps de l’ombre une « traductrice inconnue d’une petite langue, peu représentée dans le paysage éditorial français », comme se décrit elle-même Andrée Lück-Gaye : la traductrice de littérature slovène s’est en effet vu remettre la semaine dernière le grand prix Société des Gens de Lettres (SGDL)/ministère de la Culture pour l’œuvre de traduction, choix explicité en ces termes par le jury :

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La reprise

Cinq mois aujourd’hui depuis ma dernière chronique active sur ce blog ! C’était avec Récits ultimes, d’Olga Tokarczuk, et depuis se sont succédé les articles préprogrammés : cinq autour de la littérature de Taïwan (épisodes trois, quatre, cinq, six et sept (parce que)), et une comparaison périlleuse entre Marcel Aymé et Kálmán Mikszáth (périlleuse surtout parce qu’associer un écrivain français oublié et un écrivain hongrois très classique chez lui mais à peine traduit en français, ça n’allait évidemment pas attirer les foules).

En attendant, il s’est aussi passé que :

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Actualité du mercredi : quelques livres en librairie ce mois-ci

Bonne année à toutes et à tous ! J’ai vu ici et là des blogueurs et blogueuses (se) promettre de vider leurs propres étagères avant d’acheter (ou d’emprunter) de nouveaux livres. Désolée si ces trois suggestions de nouvelles parutions font vaciller certaines bonnes résolutions.

Avec Au nom de l’enquête, Actes Sud publie « le premier volume d’un cycle de romans policiers rétro », dans lequel l’écrivain Marcin Wroński et le commissaire Zyga Maciejewski de Lublin unissent leurs forces pour tenter de résoudre des affaires de meurtre sur fond d’occupation allemande pendant la Seconde Guerre mondiale (traduit du polonais par Kamil Barbarski).

Le cadre temporel est presque le même pour A l’ombre des loups, qui se déroule cependant encore un peu plus à l’Est, alors que « femmes et enfants allemands (…) exposés à l’avancée de l’armée soviétique victorieuse en Prusse-Orientale » cherchent à gagner refuge en Lituanie. « Dans ce roman bouleversant, Alvydas Šlepikas fait revivre plusieurs de ces destinées en s’inspirant du témoignage de deux survivantes. » (traduit du lituanien par Marija-Elena Baceviciute).

Terminons avec un livre roumain, Terre du salut, d’Ioan Popa, publié aux éditions Non Lieu : « Grande fresque historique, qui fait la part belle aux sentiments des hommes, aux amours passionnés d’Alexandru et de la belle Ecaterina, qui met en scène une multitude de personnages souvent hauts en couleurs, Terre du Salut raconte un monde qui avait ses grandeurs et ses faiblesses, qui se délite peu à peu et qui s’achève avec la chute de Ceauşescu. »


Actualité du mercredi: le prix Nobel de littérature d’Olga Tokarczuk

Le mercredi, je vous apporte une actualité concernant la littérature d’Europe centrale et orientale.

« Cărtărescu sera-t-il l’un des deux lauréats du Nobel de littérature, comme aiment à le prédire certains ? Ou sera-ce un autre auteur d’Europe centrale, les hongrois László Krasznahorkai ou Péter Nádas, ou la polonaise Olga Tokarczuk, ou l’albanais Ismail Kadaré, dont les noms circulent aussi ? Ou aucun d’entre eux ? »

La réponse est tombée jeudi dernier : ce n’est pas Cărtărescu, ni Krasznahorkai, ni Nádas, ni Kadaré, ni l’écrivaine d’origine croate Dubravka Ugrešić, ni la romancière russe Ludmila Oulitskaïa, ni même Haruki Murakami, César Aira ou Ngugi wa Thiong’o, au grand dam de ceux qui avaient pris au pied de la lettre l’annonce du comité de sélection du Nobel de littérature que le choix serait, cette année, moins eurocentré. Lire la suite »


Actualités du mercredi : après la rentrée littéraire, les prix littéraires !

Le mercredi, je vous apporte une actualité concernant la littérature d’Europe centrale et orientale.

Qu’on s’en réjouisse ou qu’on s’en moque, il existe apparemment entre 1500 et 2000 prix littéraires en France. C’est sans compter les prix internationaux qui, tels que le prix Nobel de littérature, font aussi couler l’encre et accélérer les ventes dans le monde littéraire français.

Tout ça, ça fait beaucoup de listes, de sélections et de supputations avant que le(s) nom(s) des lauréat.e.(s) soient annoncés. Pour ma part, j’en ai profité pour relever quelques titres qui m’intéressent et pour lesquels je serai contente si un prix leur permet de se faire plus facilement leur chemin parmi tous les livres publiés ces temps-ci.

Ce sont principalement des livres en traduction et c’est d’ailleurs de prix de traduction et leurs lauréat.e.s (annoncés ou encore au stade des sélections) que je vais parler avec ma propre petite liste.

Le week-end dernier, le premier Prix de la traduction-INALCO a été décerné au festival Vo-Vf à Maud Mabillard, traductrice du russe, pour sa traduction de Zouleikha ouvre les yeux, de Gouzel Iakhina, « récit du destin (d’) une paysanne tatare à l’époque de la dékoulakisation » qui est en bonne place sur ma liste à lire depuis sa parution aux éditions Noir sur Blanc en 2017 (coïncidence, le livre dans sa traduction anglaise – et sa traductrice anglaise Lisa C. Hayden – figurent aussi dans la sélection récemment annoncée du Warwick Prize for Women in Translation, un prix établi il y a deux ans et qui récompense des livres d’auteurs femmes et leurs traductrices vers l’anglais. J’en avais parlé ici).

Un autre prix niche est le prix Pierre-François Caillé de la traduction, fondé par la Société française des traducteurs en 1981 pour récompenser « un traducteur/une traductrice en début de carrière dans l’édition ». En l’occurrence, les cinq noms annoncés dans la première sélection sont tous ceux de femmes, et j’y ai relevé celui de Nathalie Le Marchand pour sa traduction du polonais de Les fruits encore verts, de Wioletta Greg (Editions Intervalles, 2018), d’Evelyne Noygues, pour sa traduction de l’albanais de Le petit Bala, Légende de la Solitude, de Ridvan Dibra (Editions Le Ver à Soie, 2018), et de Gabrielle Watrin, pour sa traduction du hongrois de Le Soldat à la fleur, de Nándor Gion (Edition des Syrtes, 2018, je l’avais présenté ici).

J’aurais bien parlé, aussi, de prix récompensant des romans étrangers traduits en français, mais la première sélection du prix du Meilleur livre étranger ne s’est pas prêtée au jeu cette année : sur les 16 livres dans la catégorie roman, on compte de l’anglais (9), de l’allemand (4), de l’italien, de l’espagnol, du chinois (un chacun) et … c’est tout. Le millésime 2019 ne sera pas celui des « petites langues ».

Le prix Médicis étranger, lui, garde dans sa deuxième sélection Solénoïde, de Mircea Cărtărescu, traduit du roumain par Laure Hinckel, paru tout récemment aux éditions Noir sur Blanc et déjà prix Transfuge du meilleur roman européen.

Cărtărescu me ramène presque là où j’avais commencé : le prix Nobel de littérature. Sera-t-il l’un des deux lauréats, comme aiment à le prédire certains ? Ou sera-ce un autre auteur d’Europe centrale, les hongrois László Krasznahorkai ou Péter Nádas, ou la polonaise Olga Tokarczuk, ou l’albanais Ismail Kadaré, dont les noms circulent aussi ? Ou aucun d’entre eux ?


Actualités du mercredi : György Petri, le son et l’image

Le mercredi, je vous apporte une actualité concernant la littérature d’Europe centrale et orientale.

Mon sujet du jour est le poète hongrois György Petri (1943-2000) et m’est fourni par les étudiants du master en animation de l’université Metropolitan de Budapest et leurs quatre courtes animations réalisées à partir de ses poèmes.

En voici une (en hongrois, avec sous-titres en anglais).

 

En complément, voici un poème de Petri à l’esprit similaire, traduit en français par Georges Timar et trouvé sur ce site.

Tu m’as fixé sur ton hameçon, Seigneur.
Depuis vingt-six ans
je me tortille et me replie en tous sens
de façon enjoleuse, et pourtant
la ligne ne se tend jamais.
Il est évident
que ta rivière ne contient pas de poisson.
Si tu continues à espérer quand-même,
va te chercher un autre ver.
Etre élu
était bien beau.
Mais dorénavent j’aimerais
me sécher, me promenant au soleil.

Horgodra tűztél, Uram.
Huszonhat éve
kunkorodok, tekergek
csábosan, mégsem
feszült ki a zsinór.
Nyilvánvaló,
hogy a folyódban nincs hal.
Ha mégis remélsz,
válassz más kukacot.
Szép volt
kiválasztottnak lenni.
De most már szeretnék
szárítkozni, mászkálni a napon.


Actualités du mercredi : quelques rencontres et quelques articles en accompagnement de la rentrée littéraire

Je reprends mes habitudes du mercredi, en vous apportant quelques actualités concernant la littérature d’Europe centrale et orientale. Au programme d’aujourd’hui, une sélection de liens dans lesquels des auteurs et autrices, des traductrices, et des médias parlent de littérature roumaine, polonaise, hongroise, bulgare, serbe et albanaise.

Par où commencer ?

Peut-être avec un livre de la rentrée littéraire qui semble emporter l’aval des critiques ces derniers temps, Solénoïde de l’écrivain roumain Mircea Cărtărescu. Les éditions Noir sur Blanc qui l’ont publié fin août en font la présentation sur leur site, mais sa traductrice Laure Hinckel en parle aussi dans cet entretien, ainsi que sur son site où elle publie ces jours-ci des extraits de son carnet de traductrice. Une plongée passionnante dans l’univers de l’auteur et les coulisses de la traduction ! Le magazine AOC publie aussi un extrait des 800 pages du roman (sur abonnement).

Et l’auteur dans tout ça ? Il sera à Vincennes demain, jeudi 19 septembre et à Paris le lendemain, vendredi 20 septembre, avant de se rendre à la Fondation Jan Michalski en Suisse dimanche 22 septembre, pour une série de rencontres (toutes les informations ici).

Autre lieu, autre auteur : la médiathèque Etienne Caux de Saint-Nazaire organise le jeudi 26 septembre une rencontre avec Wojciech Nowicki, écrivain polonais en résidence à la Maison des écrivains étrangers et des traducteurs (MEET). Journaliste (il tient une chronique culinaire dans l’édition cracovienne du quotidien Gazeta Wyborcza et est l’auteur d’essais culinaires) et commissaire d’expositions photographiques (il est aussi co-fondateur en 2005 de la fondation Imago Mundi dédiée à la promotion de la photographie), il a été membre du jury polonais du Prix littéraire de l’Union européenne cette année.

Il est l’auteur en 2013 de Salki (Greniers ; lauréat du Prix Littéraire Gdynia dans la catégorie essais) : « Ce récit de nombreux voyages est autant une flânerie dans l’espace que dans le temps. Nowicki extraie du passé l’histoire de sa famille originaire des confins Est de la Pologne et victime des déplacements forcés de population à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. En relatant leurs souvenirs, leurs craintes et leurs griefs, il dépeint un tableau universel du déracinement, de la nostalgie et de la peur » (MEET). L’édition anglaise du livre le range aux côtés de Perec, de W.G. Sebald et de Kapuściński, et comporte un éloge d’un autre écrivain-voyageur, Andrzej Stasiuk. Si ce livre n’est pas (encore) traduit en français, on peut lire Nowicki en français dans l’ouvrage Ewa et Piotr publié l’année dernière aux éditions Noir sur Blanc, livre du photographe italien Lorenzo Castore dont Wojciech Nowicki a signé les textes.

Auteur du recueil de nouvelles La fièvre (publié en mars aux éditions Mirobole), le photographe et correspondant de guerre hongrois Sándor Jászberényi aime chroniquer en images sur son compte Instagram la ville du Caire, où il s’est installé. Sa traductrice française Joëlle Dufeuilly présentera le livre à l’Institut hongrois à Paris, le 25 septembre (détails ici). Télérama le présentait cet été dans leur Cercle Polar, une vidéo à retrouver ici.

L’INALCO accueille, le 23 septembre, une rencontre avec Dimana Trankova et Andrija Matić, auteurs de deux dystopies parues cet été : La caverne vide (traduit du bulgare par Marie Vrinat-Nikolov, aux Editions Intervalles) et L’Egoût (traduit du serbe par Alain Cappon, Serge Safran Editeur). La rencontre sera suivie d’une projection du film franco-bulgare Je vois rouge (qui, « au travers d’une quête personnelle et d’un récit familial, dévoile une partie de l’histoire de la Bulgarie et de la police politique du régime communiste », lit-on ici) et d’une table ronde sur les processus de lustration dans différents pays de l’espace post-communiste.

Pour terminer, une petite présentation du roman Le pays des pas perdus de l’écrivain albanais Gazmend Kapllani, à lire ou écouter sur France Culture (roman traduit du grec par Françoise Bienfait, paru aux éditions Intervalles en août).